Valeur aberrante stable dans une région turbulente, la Mauritanie se dirige vers les urnes

Un jeune passe devant un camion orné de photos du président mauritanien et chef de l'Union pour la République, Mohamed Ould Ghazouani Nouakchott, le 25 juin 2024, à l'approche de l'élection présidentielle du 29 juin. (Photo de Nicolas Remene / AFP)

Les Mauritaniens voteront samedi à l'élection présidentielle, le président sortant Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani devant remporter un second mandat à la tête de cet État d'Afrique de l'Ouest considéré comme un roc de relative stabilité dans un Sahel instable.

Environ 1,94 million d'électeurs inscrits choisiront entre sept candidats cherchant à diriger ce vaste pays désertique, qui a largement résisté à la vague du jihadisme dans la région et est en passe de devenir un producteur de gaz.

« Cette élection marque un tournant dans l'histoire politique de la Mauritanie », a déclaré Abdellahi Ewah, professeur à l'Université de Nouakchott et partisan de la présidentielle.

Le scrutin permettra à « la stabilité de s’enraciner », a-t-il ajouté.

Alors que le Sahel a connu ces dernières années une série de coups d’État militaires et une escalade du djihadisme, notamment au Mali, la Mauritanie n’a pas connu d’attaque depuis 2011.

Les experts affirment que le caractère exceptionnel de la Mauritanie est dû à une série de stratégies, allant du contre-terrorisme militaire conventionnel au recrutement d'imams pour prêcher contre l'idéologie djihadiste et à la construction de villes dans des zones désertiques reculées – qui autrement auraient pu devenir des foyers pour les groupes djihadistes.

Le vote de samedi solidifiera le mouvement démocratique dans le pays, qui a connu sa première transition entre deux présidents élus en 2019.

La Mauritanie est également devenue « très importante pour la sécurité énergétique de l'Europe car elle va devenir productrice de gaz et est très prometteuse en matière d'hydrogène vert, une énergie appelée à remplacer les énergies fossiles », explique le professeur Ewah à l'AFP.

Après un premier mandat marqué par les conséquences de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine, Ghazouani a fait de la lutte contre la pauvreté et du soutien aux jeunes des priorités.

Plus de 70 pour cent de la population mauritanienne a moins de 35 ans, et les jeunes sont de plus en plus attirés par la perspective d'un avenir meilleur en Europe ou aux États-Unis.

A quelques jours du scrutin, les affiches arborant le visage de Ghazouani et le slogan « le choix sûr » abondent à travers le pays.

Les tentes de ses partisans chantant, dansant et bavardant dominent le centre de la capitale Nouakchott.

« Je soutiens le président pour un second mandat », a déclaré Yacob Abeid Allah, 34 ans.

« Nous avons la paix. Les gens sont en paix. Il dispose d'un vaste programme d'aide sociale. « C'est mon candidat », a-t-il ajouté.

« Renaissance radicale »

Mais les critiques à l'encontre du président se sont abattues sur l'une des rares tentes regroupant des partisans de Hamadi Ould Sid' El Moctar, le candidat du principal parti d'opposition islamiste Tawassoul.

« Ce pays est à bout de souffle. Les systèmes d'éducation et de santé, la corruption, la confiscation du pouvoir par un petit groupe d'hommes… », a déclaré le militant Ahmed Zeine.

« Tout est au point mort. « Nous avons besoin d'un changement radical pour la renaissance de ce pays », a-t-il ajouté.

Dans un marché populaire de Nouakchott, Idoumou M'Bareck, vendeur de chaussures de 37 ans, partageait la même envie de changement, mais a déclaré qu'il voterait pour le militant des droits de l'homme Biram Ould Dah Ould Abeid, finaliste des deux dernières élections présidentielles. .

Le jeune vendeur de chaussures avait cependant peu confiance dans la démocratie mauritanienne.

« Ce sont toujours les militaires qui dictent notre avenir. Tout est fait pour que le candidat du régime gagne », a-t-il déclaré.

Ghazouani est un ancien chef de l'armée et ministre de la Défense.

Les observateurs considèrent qu'une victoire du président sortant au premier tour est possible, compte tenu des divisions de l'opposition et des ressources du camp Ghazouani.

L’opposition a dénoncé une « élection unilatérale » et accusé la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de « ne rien faire pour en assurer le bon déroulement ».

Après avoir fortement contesté les élections législatives il y a un an, l'opposition avait réclamé la vérification biométrique des noms des électeurs lors du scrutin de samedi.

Mais la CENI a jugé la demande « très coûteuse financièrement » et « impossible » à satisfaire dans les délais.

L'Union africaine a envoyé une équipe de 27 observateurs à court terme, tandis que l'Union européenne n'a envoyé aucune mission mais trois experts électoraux.

Le gouvernement mauritanien a mis en place un organisme national d'observation des élections, que l'opposition a dénoncé comme un outil de manipulation du scrutin.

© Agence France-Presse