Peu d’actrices représentent les ravages de la célébrité plus crûment et tristement que Anne Hèche. Sa mort à 53 ans, annoncée avec insistance depuis une semaine entière – on la retrouve en « mort cérébrale » en attente de déconnexion de l’assistance vitale– après un accident de voiture mortel est soudain devenu l’épilogue à la fois cohérent et pourtant complètement fou de toute une vie hantée par le bruit. Et pour les accidents. Anne Heche était une actrice exceptionnelle. C’est ce qui compte. N’oubliez pas. Sa capacité de comédie est devenue évidente lorsqu’il a littéralement humilié (de la meilleure et de la moins douloureuse des manières) Harrison Ford dans six jours et sept nuits. Celle-là, on parle de 1998, était une comédie romantique signée par Ivan Reitman et perdu au milieu de nulle part dont la seule attraction était elle. Dans son insignifiance, et avec tout le respect que je vous dois, a rappelé Katharine Hepburn de la reine d’afrique. C’était de cela qu’il s’agissait, une femme sophistiquée avec pour seule compagnie un charmant ivrogne qui avait mal au ventre. Et il l’a fait, se souvenant d’une étoile du passé, avec la même solvabilité que cette même année et dans l’expérience rare, déconcertante et ratée de Gus Van Sant appelé Psychoet qu’il n’a fait que copier plan par plan le chef-d’œuvre de hitchcockrappelé et avec la même clarté Janet Leigh. Les deux étaient Marion Crane, celle qui habite le premier acte.
Heche possède la grâce des actrices qui brillent dans la mémoire du spectateur. Parce qu’avec sa simple présence, avec sa luminosité aux cheveux courts, il a insisté pour relier les points. Son timide photogénie et en même temps muet faire référence au cinéma d’une vie, pas exactement au classique, mais à ce cinéma dont les acteurs et actrices -plus ou moins beaux, plus ou moins talentueux- faisaient partie de la famille. Ils se sont assis avec nous dans les stalles et nous ont divertis non pas avec une simple histoire mais avec leurs affaires. Et nous, comme on écoutait un frère ou un ami, on faisait attention à eux. Ses affaires étaient nos affaires.
Nous étions tous convaincus à l’époque, à la fin des années 1990, qu’Anne Heche était venu pour rester. En fait, il n’y avait pas de grande, petite ou moyenne production de retraités dans laquelle, d’une manière ou d’une autre, elle n’était pas. J’étais là dans le drame de cour plutôt insipide Contrainte du jury à côté de Demi-Moore; et dans un véritable désastre, de toutes les manières imaginables, volcan de la main de Tommy Lee Jones; et dans la plus brillante intrigue politique signée par Barry Levinson Écran de fumée avec rien de plus et rien de moins que Dustin Hoffman ; et en Donnie Brasco en compagnie de Johnny Depp quand johnny depp était bon. Anne Heche était là et ce n’était qu’une question de temps avant que nous tombions amoureux. Un de plus comme six jours et sept nuits et nous l’avons adopté.
Mais quelque chose s’est passé. Passez Hollywood. Passé le pire Hollywood. Fini cet Hollywood aussi irrévocable et toxique que son penchant pour les gros titres ostentatoires. Du coup, on l’a perdue de vue au cinéma et nous la rencontrons dans les magazines qui brillent. Anne Heche a cessé d’être cette actrice prometteuse qui nous rendait si drôles et que l’on retrouvait partout, pour n’être que de la chair à canon. Et ça a boum. Il s’avère que c’était La petite amie d’Ellen DeGeneres. Il s’avère que je suis sorti du placard lors d’une interview avec Oprah. Il s’avère qu’ils allaient se marier dès que les mariages homosexuels seraient légaux. Il s’avère que Hollywood l’a annulé. Il s’avère qu’ils se sont séparés en 2000 après trois ans d’engagement photographié, télévisé et diffusé 24h/24. Il s’avère qu’il s’est remarié. Mais d’abord avec le cameraman Coleman Laffon puis avec l’acteur James Tupper. Deux hommes. je n’étais plus gay.
Et entre-temps ses mémoires sont arrivées et le panorama qu’il y décrivait donnait un indice. Ce qui y est apparu était une enfance traumatisée par un père qui a abusé d’elle et une mère fanatique qui n’a jamais reconnu aucun abus. Et donc. Et soudain, elle nous manque. Ça faisait plus mal de ne pas entendre parler d’elle sachant que les choses n’avaient pas été justes pour elle. Ils ne le sont presque jamais. On continue de la voir au cinéma désormais, mais d’une manière différente. dans la chambre pays du prozac (2001). Et en naissance (2004), le film de Jonathan Glazer qui a suivi bête sexy. Mais peu de place. Ou il était souvent sorti dans un cortège infatigable de téléfilms qui, vraiment, n’allaient nulle part. Je me souviens d’elle dans Rempartun film bruyant d’Owen Moverman avec Woody Harrelson, dans lequel sa mémoire seule sauve la bande.
Le 5 août est arrivé par hasard. Ce fut une poursuite, un incendie et une explosion. Que s’il est allé au sommet, que si la police a dit, que si son ami a posté sur les réseaux sociaux, que si la grand-mère fume… On dirait que l’incident en lui-même pourrait bien être une bien triste métaphore, mais beaucoup, de sa propre vie. Dans six jours et sept nuits Il disait que « j’ai volé deux fois avec toi et tu t’es écrasé la moitié du temps ». Ça. D.E.P.