Face aux hésitations de certaines nations, un front panafricain est d'autant plus impératif, écrit le président du Groupe africain des négociateurs.
Une crise climatique sans précédent fait rage sur notre continent. Ces dernières semaines, nous avons été témoins d’horribles inondations, de glissements de terrain et de vagues de chaleur écrasantes qui ont tué des centaines de nos frères et sœurs africains et détruit les moyens de subsistance de milliers de personnes.
Lorsque des représentants du monde entier se sont réunis à Bonn, en Allemagne, pendant deux semaines le mois dernier pour négocier la manière dont le monde allait faire face aux impacts de ces événements météorologiques extrêmes, l’espoir était palpable que des progrès seraient réalisés vers des décisions concrètes à adopter lors de la prochaine conférence sur le climat à Bakou, en Azerbaïdjan (COP29).
Mais les tactiques employées par certains partis pour déplacer les responsabilités, réinterpréter les positions convenues et ne pas tenir compte des réalités des autres ont continué à perpétuer une profonde méfiance. Cela a donné lieu à des pertes de temps et à des querelles sur les sources, les types et les bénéficiaires de l’aide dont nous avons besoin de toute urgence pour faire face à l’urgence climatique.
Les méthodes conflictuelles et les lenteurs adoptées par certaines parties entravent l’efficacité des négociations sur le climat. Nous, Africains, ne pouvons plus nous permettre de recourir à ces tactiques dilatoires. Nos peuples souffrent.
Nos besoins en financement climatique
Cette année, le thème central est le financement de la lutte contre le changement climatique et la mobilisation de fonds pour sauver des vies en faveur des communautés en première ligne afin de leur permettre de s'adapter au changement climatique. À l'ordre du jour figure également le soutien à une transition juste des économies, passant de modes de développement à forte intensité de carbone à une croissance propre, verte et positive pour le climat, fondée sur les énergies renouvelables.
Sachant que notre peuple a contribué de façon minime aux émissions de carbone qui ont réchauffé la planète et provoqué le changement climatique, il est profondément injuste que nous ayons à faire face aux conséquences de l’adaptation à un nouveau mode de vie. Mais l’adaptation est notre seul espoir de survie. Nous devons rechercher une prospérité résiliente au changement climatique et neutre en carbone.
Le coût de l’adaptation ne cesse d’augmenter et est estimé à des centaines de milliards de dollars par an. C’est l’argent que nos gouvernements sont obligés de détourner de la fourniture de services de base tels que les soins de santé et l’éducation. Cela réduit encore davantage nos allocations budgétaires pour la croissance économique et le développement dont nous avons tant besoin. Ces problèmes déstabilisent fondamentalement notre continent et le monde.
Parallèlement, notre continent a besoin d’environ 1,3 billion de dollars par an pour venir en aide aux populations vulnérables et réparer les pertes et dommages régulièrement subis en raison du changement climatique. Nous avons également besoin de financements climatiques pour financer une transition énergétique de grande envergure qui fera de l’Afrique une superpuissance de l’énergie propre.
C’est pourquoi l’Afrique fait pression pour un financement climatique adéquat et accessible et un système financier juste et équitable qui ne récompense pas les émetteurs et ne punit pas les non-pollueurs.
En vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et de l’Accord de Paris de 2015, les pays développés ont l’obligation de fournir des financements aux pays en développement pour s’adapter aux changements climatiques et atténuer les effets de ces changements. Lors de la COP28 de Dubaï l’année dernière, un dialogue spécial sur le financement climatique a été l’un des résultats du premier bilan mondial dans le cadre de l’Accord de Paris. Malheureusement, à Bonn, une grande partie des désaccords ont porté sur la manière de mener ce dialogue, nécessaire pour clarifier le nouvel objectif de financement climatique.
Le chemin vers la justice
Alors que notre continent dispose des meilleures ressources en énergie éolienne et solaire au monde, des millions de personnes souffrent d’un accès limité ou total à l’électricité. Il s’agit d’une injustice qu’il faut corriger de toute urgence.
Les pays africains, dotés d’abondantes ressources en termes de potentiel d’énergie renouvelable inexploité, de gisements massifs de minéraux essentiels à la transition verte, de terres arables inutilisées et de puits naturels, ont un immense potentiel pour débloquer le développement.
Mais la réalisation de ce potentiel est limitée par l’absence de financements justes et équitables. Pourquoi les pays africains paient-ils cinq fois plus pour leurs emprunts que les pays plus riches ? Pourquoi laissons-nous les facteurs de risque perçus alimenter ces inégalités ? Nous sommes alors pris dans un étau de la dette et dans un cercle vicieux de service de la dette qui nuit aux investissements de notre continent dans la transition verte.
Pour l’Afrique, les négociations sur le climat doivent donc avant tout s’attaquer à ces injustices et à l’intensification des effets du changement climatique qui compromettent nos perspectives économiques. Nous devons également plaider avec force pour un soutien adéquat afin de libérer l’énorme potentiel de notre continent.
Il est difficile de mettre en place un financement climatique à l’échelle dont l’Afrique a besoin sans procéder à des réformes urgentes et généralisées des institutions financières internationales (IFI). Ces réformes sont nécessaires pour rendre ces institutions aptes à remplir leur mission. Seules des réformes généralisées obligeront les IFI à donner la priorité aux besoins de l’Afrique en matière de climat, d’énergie, d’adaptation et de développement sans perpétuer l’endettement.
Lors de la COP29 en novembre, la communauté internationale est censée se mettre d’accord sur un objectif financier à long terme : le Nouvel objectif collectif quantifié (NCQG). Cependant, les progrès minimes réalisés à Bonn sont préoccupants. L’inconvénient est que toutes les nations doivent travailler ensemble tout en reconnaissant les obligations et les engagements pris dans le cadre des accords sur le climat.
Pour réussir à contraindre les pays riches à honorer leurs engagements, il est impératif et urgent de former un front uni panafricain. Nous devons former un front où nous nous exprimons d’une seule voix claire. La puissance collective d’une Afrique unie est la seule voie vers la justice climatique dont nous avons un besoin urgent.
La bonne nouvelle est que nous ne sommes pas seuls dans cette aventure. Notre message en faveur du financement climatique et de la justice climatique est partagé par de nombreux pays en développement et des millions de citoyens du monde entier. Nous sommes tous unis par notre demande aux grands pollueurs de cesser de bloquer les progrès des négociations sur le climat et de fournir plutôt les financements qui allégeront le fardeau des personnes qui vivent sous l’emprise du changement climatique.
En travaillant ensemble avec une détermination et une vision communes, nous pourrions inverser la tendance à la COP29 et célébrer un nouvel engagement en faveur du financement climatique qui maintienne l’objectif de contenir le réchauffement climatique à 1,5°C et protège ceux qui sont de plus en plus touchés par les impacts climatiques.
Il sera essentiel de combler le déficit de financement des pays en développement en injectant des fonds publics importants en provenance des pays développés pour assurer la transition et la croissance nécessaires à la réalisation des objectifs de Paris et de la justice climatique. Cela permettra également de mettre en œuvre l’ampleur des mesures climatiques nécessaires d’ici 2030, puis d’ici 2050, pour atteindre l’objectif mondial de zéro émission nette.