Le Premier ministre nigérien Ouhoumoudou Mahamadou s’entretient avec la presse devant l’ambassade du Niger, à Paris, le 5 août 2023, quelques jours après que des conspirateurs ont renversé le président nigérien Mohamed Bazoum, le retenant avec sa famille dans sa résidence officielle de Niamey depuis le 26 juillet. Photo par STEFANO RELLANDINI / AFP via Getty Images
La pression sur les putschistes nigériens s’est intensifiée dimanche à l’approche de la date limite fixée par le bloc régional ouest-africain de la CEDEAO pour que l’armée abandonne le contrôle ou fasse face à une éventuelle intervention armée.
L’ancienne puissance coloniale française, avec laquelle la junte a rompu les liens militaires après avoir pris le pouvoir le 26 juillet, a déclaré qu’elle soutiendrait « fermement » toute ligne de conduite prise par la CEDEAO après l’expiration du délai de dimanche.
« L’avenir du Niger et la stabilité de toute la région sont en jeu », a déclaré le cabinet de la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna après s’être entretenue à Paris avec le Premier ministre nigérien, Ouhoumoudou Mahamadou.
Les chefs d’état-major de la CEDEAO se sont mis d’accord sur un plan d’intervention possible pour répondre à la crise, le dernier de plusieurs coups d’État à frapper la région du Sahel en Afrique depuis 2020.
« Nous voulons que la diplomatie fonctionne, et nous voulons que ce message leur soit clairement transmis (à la junte) que nous leur donnons toutes les chances d’inverser ce qu’ils ont fait », a déclaré vendredi le commissaire de la CEDEAO, Abdel-Fatau Musah.
Mais il a averti que « tous les éléments qui entreront dans toute intervention éventuelle ont été élaborés », y compris comment et quand la force serait déployée.
Le Niger a joué un rôle clé dans les stratégies occidentales de lutte contre les insurrections djihadistes qui sévissent au Sahel depuis 2012, la France et les États-Unis stationnant respectivement environ 1 500 et 1 000 soldats dans le pays.
Pourtant, le sentiment anti-français dans la région est en hausse, tandis que l’activité russe, souvent par le biais du groupe de mercenaires Wagner, s’est développée. Moscou a mis en garde contre une intervention armée de l’extérieur du Niger.
« Erreur de jugement »
Le coup d’État « est une erreur de jugement qui va totalement à l’encontre des intérêts du pays », a déclaré samedi à l’AFP le ministre des Armées françaises, Sébastien Lecornu.
« Ce putsch affaiblira la lutte contre le terrorisme au Sahel, où l’activité des groupes terroristes armés resurgit, profitant notamment de certains États défaillants comme le Mali », a-t-il déclaré.
Le Niger, l’un des pays les plus pauvres du monde, dépend fortement de l’aide étrangère qui pourrait être retirée si le président Mohamed Bazoum n’est pas réintégré à la tête de l’Etat, a-t-il ajouté.
Le conseil a dit qu’il affronterait la force avec la force.
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune s’est prononcé contre toute intervention militaire au Niger voisin.
« Nous refusons catégoriquement toute intervention militaire », a-t-il déclaré dans une interview télévisée samedi soir, ajoutant qu’une telle action serait « une menace directe pour l’Algérie ».
Il a souligné « qu’il n’y aura pas de solution sans nous (l’Algérie). Nous sommes les premiers touchés ».
« L’Algérie partage près de mille kilomètres » de frontière avec le Niger, a-t-il dit.
« Quelle est la situation aujourd’hui dans les pays qui ont connu une intervention militaire ? », a-t-il dit, pointant du doigt la Libye et la Syrie.
Le Mali et le Burkina Faso, où les militaires ont pris le pouvoir ensemble depuis 2020, ont également déclaré que toute intervention régionale équivaudrait autant à une « déclaration de guerre » contre eux.
Bazoum, 63 ans, est détenu par les putschistes avec sa famille dans sa résidence officielle de Niamey depuis le 26 juillet.
Dans une chronique du Washington Post jeudi – sa première longue déclaration depuis son arrestation – Bazoum a déclaré qu’un putsch réussi aurait « des conséquences dévastatrices pour notre pays, notre région et le monde entier ».
Bazoum, qui a remporté en 2021 une élection qui a inauguré le tout premier transfert de pouvoir du Niger d’un gouvernement civil à un autre, a exhorté « le gouvernement américain et l’ensemble de la communauté internationale à nous aider à rétablir notre ordre constitutionnel ».
Opposition au Nigéria
Le Nigeria a coupé l’approvisionnement en électricité de son voisin le Niger, faisant craindre pour la situation humanitaire, tandis que Niamey a fermé les frontières du vaste pays du Sahel, compliquant les livraisons de vivres.
De hauts responsables politiques nigérians ont exhorté le président Bola Tinubu à reconsidérer la menace d’intervention militaire.
« Le Sénat appelle le président de la République fédérale du Nigeria en tant que président de la CEDEAO à encourager davantage les autres dirigeants de la CEDEAO à renforcer les options politiques et diplomatiques », a déclaré le président du Sénat, Godswill Akpabio.
Les sénateurs des États du nord du Nigéria, dont sept partagent une frontière combinée d’environ 1 500 kilomètres (900 miles) avec le Niger, ont déjà déconseillé toute intervention jusqu’à ce que toutes les autres options aient été épuisées.
Tinubu lui-même a exhorté jeudi la CEDEAO à faire « tout ce qu’il faut » pour parvenir à une « résolution à l’amiable » de la crise au Niger.
– Afp