Les échecs de la COP28 en matière d’adaptation laissent l’Afrique à la dérive

L’objectif mondial d’adaptation, tant attendu, place l’Afrique à la périphérie d’un programme qui est au cœur de son développement.

L’objectif mondial d’adaptation était l’un des principaux résultats de la COP28. Crédit : IISD/ENB | Mike Muzurakis

Alors que la fréquence et l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes ont fortement augmenté au cours de la dernière décennie, il est de plus en plus reconnu que les mesures d’adaptation aux impacts du changement climatique doivent être l’un des principaux piliers de la réponse mondiale à la crise.

Lors des négociations sur le climat de la COP28 qui se sont conclues à Dubaï la semaine dernière, l’adaptation figurait en bonne place à l’ordre du jour et l’un des principaux résultats a été l’objectif mondial en matière d’adaptation (GGA). Le concept de GGA a été proposé pour la première fois par le Groupe africain des négociateurs en 2013. Il a été établi, bien que non opérationnalisé ni défini, dans le cadre de l’Accord de Paris en 2015. Lors de la COP26 en 2021, un programme de travail sur deux ans a été lancé pour définir le GGA. L’espoir était que cet objectif puisse devenir un outil permettant d’améliorer les actions d’adaptation et de renforcer plus généralement la gouvernance mondiale de l’adaptation.

Aux Émirats arabes unis, ce processus a finalement abouti.

Sur certains aspects techniques, des progrès remarquables ont été réalisés, même s’ils étaient attendus depuis longtemps. Par exemple, les parties ont affirmé le lien entre l’adaptation et l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, rapprochant ainsi l’adaptation de l’objectif principal de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Il y a également eu un accord sur des objectifs d’ici 2030 visant le bien-être collectif de tous, la protection des moyens de subsistance et des économies, ainsi que la préservation et la régénération de la nature. Un accord a également été conclu sur les objectifs relatifs aux cinq dimensions du « cycle itératif d’adaptation », à savoir l’évaluation de l’impact, de la vulnérabilité et des risques ; planification; mise en œuvre; et suivi, évaluation et apprentissage.

Des progrès tout aussi positifs ont été constatés sur les aspects liés au processus du GGA. Le programme de travail biennal Glasgow-Charm el-Cheikh a été conclu ; un cadre d’adaptation avec un but et des objectifs clairs a été adopté ; il y a eu un accord pour poursuivre les discussions de juin 2024 à novembre 2025 ; et les parties ont lancé un nouveau programme de travail de deux ans pour décider des indicateurs permettant de mesurer les progrès. Il est particulièrement important de se mettre d’accord sur le processus permettant de poursuivre les négociations structurées, car l’adaptation est en soi un processus et non un objectif.

Toutefois, les conclusions de la COP28 n’ont pas été entièrement positives. Par exemple, la relation entre le GGA et d’autres axes de négociation incluant l’adaptation reste mal définie. Il n’est pas clair si les discussions autour de l’objectif mondial sur l’adaptation ont consolidé ou fragmenté davantage les négociations. Actuellement, les courants de négociation sur l’adaptation comprennent le GGA, le Bilan mondial, le Comité d’adaptation, le Fonds d’adaptation et les plans nationaux d’adaptation. Cette fragmentation rend plus difficile l’établissement de formes de gouvernance faisant autorité, susceptibles de lever toute ambiguïté sur les dispositions en matière d’adaptation et de façonner concrètement les actions d’adaptation mondiales.

Les négociations sur l’adaptation ont également échoué sur d’autres points cruciaux. La trajectoire des COP est devenue quelque peu prévisible, le battage politique et les slogans cédant la place à des accords sur des objectifs imaginaires que les pays n’atteindront pas. Les résultats de la COP28 sur le GGA s’inscrivent malheureusement dans cette tendance.

Le cœur du GGA est censé être d’assurer une participation efficace de tous les pays pour atteindre les objectifs convenus en matière d’adaptation. À ce titre, le Groupe africain des négociateurs a toujours appelé à des liens directs entre les objectifs et la fourniture d’un soutien – financier, renforcement des capacités et transfert de technologie – pour la mise en œuvre.

Je n’interprète pas cet appel comme la recherche d’un nouveau fonds dédié puisqu’il existe déjà au moins cinq fonds pour répondre aux questions liées à l’adaptation : le Fonds pour les pertes et dommages, le Fonds d’adaptation, le Fonds pour les pays les moins avancés (LDCF), le Fonds spécial pour le changement climatique. (SCCF) et le Fonds vert pour le climat (GCF). Je ne considère pas non plus cet appel du Groupe africain des négociateurs comme une demande de « cadeaux » aux pays industrialisés.

Je comprends plutôt la position africaine dans les négociations comme : 1) demander d’être plus que de simples participants à l’élaboration de la politique mondiale d’adaptation et d’avoir plus qu’un simple « siège à la table » ; 2) reconnaissant que le processus GGA nécessite des données empiriques et pas seulement des informations anecdotiques, et reconnaissant que les pays africains n’ont pas la capacité financière et institutionnelle pour rassembler de telles données empiriques ; et 3) chercher l’assurance que les pays industrialisés veilleront à ce que les contextes africains éclairent ce discours critique sur l’adaptation mondiale.

L’AGN n’a pas reçu ces assurances. Malheureusement, en privant les pays africains de la possibilité de jouer un rôle actif dans la réalisation des objectifs du GGA, les pays industrialisés ont veillé à ce que le continent reste à la périphérie d’un programme qui est au cœur de son développement. Ce résultat situe effectivement l’Afrique comme une consommatrice de cadres et d’avancées conceptuelles qui seront fournies par les pays industrialisés et les grands pays en développement émergents.

L’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a déclaré un jour : « La reconnaissance du fait que les pays industrialisés doivent prendre l’initiative de lutter contre le changement climatique est l’une des pierres angulaires politiques de la Convention. » Lors des négociations du GGA à la COP28, les pays développés ont refusé ces responsabilités. Au contraire, ils ont réussi à transférer le fardeau de l’action climatique vers les pays en développement, notamment l’Afrique et les pays les moins avancés.

Voilà pour l’équité et la justice dans le processus tant vanté de gouvernance mondiale du changement climatique. Le résultat de la COP28 sur l’adaptation constitue un nouveau signal aux gouvernements africains selon lequel le continent ne peut et ne doit pas compter sur les pays industrialisés pour faire avancer l’agenda climatique africain.