Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné avec le plan de transition juste, autrefois pionnier, de l’Afrique du Sud ?

Deux ans après le début du premier Partenariat pour une transition énergétique juste, certains craignent qu’il ne s’apparente à un « ajustement structurel vert ».

Si le Partenariat pour une transition énergétique juste en Afrique du Sud est piloté par les forces du marché, il concentrera probablement les bénéfices entre les mains des entreprises privées plutôt que dans l’ensemble de la population. Crédit : Jorge Lascar.

L’expérience de l’Afrique du Sud en pilotage un nouveau type de véhicule de financement climatique peut éclairer les débats sur la manière de financer une transition juste des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables.

Il y a deux ans, lors de la COP26, l’Afrique du Sud a piloté le premier Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP), par lequel les pays riches aident les pays en développement à progresser plus rapidement vers les énergies renouvelables. Un an plus tard, le gouvernement sud-africain a dévoilé son Plan d’investissement pour une transition énergétique juste. Celui-ci expliquait comment il envisageait de développer et d’utiliser les fonds du partenariat.

Le plan détaillé un investissement de 1 500 milliards de rands (80 milliards de dollars) dans une transition vers les énergies renouvelables, l’hydrogène vert et les véhicules à énergie nouvelle. Le cabinet sud-africain a approuvé le plan d’investissement en novembre 2023. Mais ce plan s’est heurté à une résistance de la part de la société civile et des lobbies du charbon, du pétrole et du gaz.

Pour aider à approfondir la compréhension du public, j’ai récemment publié un la critique du Partenariat pour une transition énergétique juste en Afrique du Sud. La critique s’appuie sur mon expérience en tant que secrétaire général élu du Coalition sud-africaine pour la justice climatiqueun groupe de plus de 60 organisations syndicales, de base, communautaires et à but non lucratif travaillant ensemble pour une justice climatique transformatrice.

Je soutiens que même si le partenariat pourrait aider l’Afrique du Sud à passer à des systèmes énergétiques plus propres, son modèle de financement présente des inconvénients. Premièrement, cela semble favoriser les intérêts du capital étranger. Deuxièmement, cela ne va pas assez vite.

Pas juste assez

Bon nombre des défauts de la transition énergétique injuste de l’Afrique du Sud sont dus à les décisions faites par le gouvernement sud-africain avant l’adoption du plan. Pendant des décennies, le gouvernement n’a pas investi suffisamment dans une transition juste vers les énergies renouvelables. Il a également négligé le système énergétique fossile existant et s’est efforcé de privatiser l’énergie.

En plus de cette réalité déjà injuste, on craint que les bailleurs de fonds à l’origine du nouveau JETP ne le façonnent pour servir leurs intérêts. Par exemple, son modèle de financement mixte pourrait utiliser des fonds publics pour subventionner le secteur privé au profit des sociétés internationales.

Des groupes de la société civile, tels que Syndicats pour la démocratie énergétiqueavec universitaires Patrick Bigger et Sophie Webber ont mis en garde contre ce qu’ils appellent « l’ajustement structurel vert ». C’est là que le financement climatique est utilisé pour contraindre les économies du Sud à servir les intérêts des entreprises privées qui profitent de la transition verte.

L’Afrique du Sud est parmi les plus inégalitaires au monde pays, où 10 % de la population possède 80 % des richesses. Investir dans les énergies renouvelables nécessite l’accès à la terre et au capital, qui sont tous deux encore concentrés entre les mains d’une minorité. Cela signifie que si la transition énergétique est principalement pilotée par les forces du marché et laissée aux entreprises privées et aux particuliers, elle concentrera probablement les bénéfices entre les mains d’une minorité. Il s’agit d’une préoccupation majeure, car la nouvelle production d’énergie est désormais axée sur principalement par le secteur privé en Afrique du Sud.

Les grands intérêts financiers internationaux profitent également de l’affaiblissement des politiques de localisation, qui garantiraient que les composants et les équipements destinés à l’énergie verte soient produits localement. La loi américaine sur la réduction de l’inflation, par exemple, a été conçue pour exploiter des avantages économiques majeurs en conduire une industrialisation verte en Amérique.

Une grande partie des avantages économiques d’une transition vers les énergies renouvelables proviennent localisation et industrialisation verte. Cependant, seulement 0,1 % du plan d’investissement de 1 500 milliards de rands est directement dédié à la localisation. Pendant ce temps, les politiques de marchés publics sont affaiblissement localisation.

Une autre faiblesse du plan est son incapacité à promouvoir une transition suffisamment rapide vers les énergies renouvelables. L’Afrique du Sud possède l’un des secteurs énergétiques et industriels les plus polluants au monde, grâce à son le plus consommateur de charbon producteur d’énergie de tous les pays du G20.

Le rythme de la transition proposé par le gouvernement du Sud n’est pas assez rapide et bien hors de propos avec la juste part de l’Afrique du Sud dans le maintien du réchauffement climatique à 1,5°C, comme convenu dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. Cela correspond plutôt à un réchauffement désastreux de plus de 2°C et jusqu’à 3°C.

Résistance sous différents angles

En Afrique du Sud, les militants pour le climat ne sont pas les seuls à s’opposer à certains éléments du partenariat de transition et du plan d’investissement. Les lobbys des énergies fossiles s’opposent également au plan de financement comme moyen de ralentir l’action climatique.

Les militants pour la justice climatique doivent donc veiller à ce que les critiques progressistes du partenariat ne soient pas récupérées par le lobby des combustibles fossiles pour saper complètement l’action climatique. Pour contrecarrer les lobbies polluants, les mouvements pour la justice climatique devront adopter une attitude prudente.

Ce que montre l’expérience de l’Afrique du Sud, c’est que le financement climatique peut reproduire des dynamiques néocoloniales inégales grâce à un ajustement structurel vert. Ceci est particulièrement important alors que le modèle du Partenariat pour une transition énergétique juste est en train d’être exporté vers d’autres pays à travers le monde.

À l’échelle mondiale, les militants pour la justice climatique devront se mobiliser pour garantir que le financement climatique soit un véritable accomplissement de la justice climatique et un paiement de la dette climatique due aux pays du Sud. Comme l’a fait la Coalition sud-africaine pour la justice climatique exigéle financement climatique doit apporter une véritable justice sociale, économique et écologique.


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