RCA : les projets de troisième mandat de Touadéra poussent la RCA au bord du gouffre

Dans sa quête pour refaire le pays à son image, le président Touadéra a déchaîné des forces qu’il n’est peut-être pas en mesure de contrôler.

Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra avec le président rwandais Paul Kagame. Les deux sont devenus des alliés depuis que Kagame a envoyé des troupes pour soutenir les forces de Touadéra contre une nouvelle rébellion en 2020. Courtoisie photo: Paul Kagamé.

A mi-parcours de son second mandat présidentiel, Faustin-Archange Touadéra fait le pari d’une constitution référendum cela lui permettrait de se représenter pour un troisième mandat en 2025. L’impudence avec laquelle le gouvernement a écarté les préoccupations juridiques et logistiques qui planent sur le scrutin du 30 juillet suggère que le résultat est couru d’avance. Alors que le mouvement rebelle Coalition des patriotes pour le changement (CPC), une coalition islamo-chrétienne liée à l’ancien président déchu François Bozizé, fait un retour en force dans le nord de la RCA et que les fissures dans l’appareil sécuritaire se creusent, les ambitions de Touadéra menacent de plonger le pays dans le chaos.

Un troisième mandat pour Touadéra

L’idée d’un amendement constitutionnel pour abolir la limite du nombre de mandats présidentiels a d’abord fait son chemin avec la proposition de Touadéra Mouvement Coeurs Unis (MCU) à la suite du dialogue républicain par ailleurs sans conséquence en mars 2022.

Cependant, le plan a rencontré un problème en octobre lorsque la Cour constitutionnelle déclaré une commission installée par Touadéra pour superviser la révision anticonstitutionnelle.

Dans une manœuvre effrontée pour contrôler la Cour, Touadéra relève la présidente de la Cour, Danièle Darlan, de ses fonctions et nomme son adjoint, Jean-Pierre Waboe, comme son successeur. En janvier 2023, la Cour constitutionnelle a fait marche arrière, donnant son poursuivre pour un référendum sur les changements proposés.

Hausse des discours de haine et des incitations à la violence

Deux organisations pro-gouvernementales, Galaxie Nationale et le Front Républicainont contribué à créer l’illusion d’un soutien public à la révision constitutionnelle par payant participants aux rassemblements pro-Touadéra et perturbateur des rassemblements de l’opposition.

Bien que les deux groupes aient longtemps agité contre les adversaires réels et imaginaires du gouvernement, y compris la mission MINUSCA de l’ONU, leur rhétorique est devenue plus incendiaire au cours de l’année écoulée. Par exemple, dans un communiqué publié en juillet dernier, Galaxie nationale appelé ses partisans à utiliser des machettes et des battes de baseball pour traquer les individus liés à l’opposition.

Le coordinateur du groupe, Didacien Kossimatchi et Front Républicain leader, Héritier Doneng porte donc une responsabilité importante dans la création d’un climat toxique dans lequel le langage de la violence est normalisé de part et d’autre.

Bien que le ministère de l’Administration territoriale ait officiellement été dissous Galaxie en septembre, il continue à fonctionner en grande partie tranquille et avec la bénédiction du gouvernement.

Une opposition impuissante

L’opposition politique est restée impuissante alors que Touadéra et ses partisans attaquent la démocratie constitutionnelle de la RCA. Le MCU et ses alliés détiennent une majorité confortable à l’Assemblée nationale et n’hésitent pas à utiliser les ressources gouvernementales pour faire pencher la balance en leur faveur.

Le plus grand handicap de l’opposition, cependant, est un manque de confiance généralisé dans le processus démocratique lui-même, informé par une longue histoire de changement de régime au canon du fusil.

Alors que la controverse autour du référendum s’intensifie, la tendance à privilégier les solutions militaires aux solutions politiques prend le dessus, même les médias d’opposition jusque-là modérés exprimant ouvertement leur soutien aux groupes armés.

Début juin 2023, l’ancien président par intérim, Alexandre-Ferdinand Nguendet a publié une déclaration sur les réseaux sociaux menaçant d’évincer Touadéra avec l’aide d’éléments de l’armée à moins qu’il ne démissionne dans les 30 jours. Bien que les forces armées (FACA) aient promptement distancié eux-mêmes de l’ultimatum, cela témoigne à la fois de l’atmosphère explosive à Bangui et des inquiétudes croissantes concernant la cohésion des FACA.

Un retour rebelle

Au cours de l’année 2021, le groupe Wagner, les FACA et les troupes rwandaises ont chassé les rebelles du PCC de leurs bastions provinciaux, plaçant la majeure partie du territoire de la RCA sous le contrôle du gouvernement pour la première fois depuis que la guerre civile a éclaté en 2012. Mais ces gains ont été considérables. coût humain. Selon l’Armed Conflict Location and Event Database, les civils ont supporté le poids de l’approche sans prisonnier de Wagner en matière de rétablissement de la paix. Les communautés musulmanes, en particulier, sont traitées comme coupables par association avec les combattants majoritairement musulmans du PCC.

Les abus généralisés des forces de sécurité ont permis aux groupes armés de recruter facilement de nouveaux membres parmi les musulmans mécontents, notamment les nomades peuls. Pendant ce temps, l’accent mis par Wagner sur la sécurisation des sites miniers a permis aux combattants du CPC de se regrouper en dehors des zones d’intérêt immédiates de Wagner. Les rebelles ont compensé l’épuisement des stocks d’armes en faisant un usage accru de drones, d’engins explosifs et de enlèvements, prenant par surprise les forces alignées sur le gouvernement. En conséquence, les attaques contre les FACA et Wagner ont atteint une intensité vue pour la dernière fois au premier semestre 2021. Pour compliquer encore le tableau, de nouvelles milices telles que Coalition Siriri et Azandi Ani Kpi Gbé se multiplient à travers le pays, illustrant que les zones périphériques échappent de plus en plus au contrôle des troupes pro-gouvernementales.

Un ralentissement économique durable

Les difficultés économiques et fiscales de la RCA font également le jeu des rebelles. En 2021, l’Union européenne, la France et d’autres ont suspendu leur soutien budgétaire pour protester contre l’amitié de Touadéra avec le groupe de mercenaires russes, laissant le gouvernement avoir du mal à payer les salaires des fonctionnaires.

Pendant ce temps, l’économie reste sous tension importante. Un plafonnement des prix mal géré a amplifié l’impact de la flambée des prix du carburant suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, provoquant des pénuries qui ont activité économique paralysée et fait grimper les prix des denrées alimentaires. En conséquence, les revenus par habitant diminuent. Alors que la petite mais croissante classe moyenne de Bangui commence à ressentir le pincement, le secteur public grèves sont de plus en plus fréquents, alimentant davantage les tensions sociales.

Les fissures se creusent au sein des forces armées

Parallèlement aux menaces sécuritaires croissantes des groupes armés et des troubles civils, les forces armées apparaissent comme une autre source potentielle de bouleversements. Suite à une campagne de recrutement intensifiée, les rangs des FACA ont doublé pour atteindre environ 15 000 depuis 2019, dépassant de loin l’objectif de 9 800 prévu dans le Plan de défense nationale de 2017. Il est peu probable que le gouvernement soit en mesure de maintenir longtemps le nombre actuel de soldats. Les plaintes concernant l’insuffisance de provisions et d’équipements se sont multipliées et des coupes dans la solde des soldats pourraient bientôt être nécessaires. L’impact sur le moral serait dévastateur.

Fait inquiétant, des milliers de soldats ont été recruté dans des structures de commandement parallèles tout en contournant le processus régulier de sélection et de formation. Poussé par la crainte d’un coup d’État, Touadéra a empilé la Garde républicaine, qui fait théoriquement partie des FACA mais directement subordonnée au président, avec des membres de son groupe ethnique Mbaka-Mandja. Plutôt que de renforcer l’efficacité des FACA, ces recrutements ont sapé son unité.

Dans ces circonstances, il est de plus en plus douteux que les FACA puissent ou veuillent résister à une autre rébellion à grande échelle. Pire encore, Touadéra a peut-être augmenté par inadvertance le risque de désertions, de mutineries et de tentatives de coup d’État en créant des chaînes de commandement rivales et en attisant la discorde ethnique au sein des forces armées.

Marcher sur la corde raide

Touadéra n’ignore manifestement pas les risques que ce virage autoritaire fait peser sur la stabilité du pays et, par extension, sur son propre pouvoir. Dans un effort apparent pour couvrir ses paris, le président a discrètement cherché à raviver les liens avec des partenaires méprisés. Depuis mai, Bangui s’est élargi opérations de sécurité contre les groupes rebelles tchadiens pour apaiser le président tchadien Mahamat Idriss Deby, un allié du PCC, alors que Wagner utilise la RCA comme base arrière pour Deby renverser. Pendant ce temps, le transfert, sous l’égide des États-Unis, du chef du PCC, François Bozizé, du Tchad vers la Guinée-Bissau, et une modeste injection de Financement américain car les FACA pourraient annoncer un dégel avec Washington. Mais un réengagement plus significatif avec les partenaires occidentaux dépendra de la réduction des liens de Bangui avec Wagner, sur le soutien duquel Touadéra continue de compter. De toute évidence, Touadéra croit pouvoir marcher sur la corde raide. Les mois à venir montreront s’il s’agit d’une erreur de calcul