Comment la Banque mondiale et le FMI peuvent véritablement conduire une transition énergétique propre

Les approches actuelles des institutions financières en matière de financement de projets d'énergies renouvelables sont beaucoup trop limitées, rigides et opaques.

Alors que les ministres du monde entier se préparent pour les réunions annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et du Groupe de la Banque mondiale (GBM), du 21 au 26 octobre à Washington DC, le climat sera à nouveau une priorité à l'ordre du jour. De nombreuses discussions porteront sur le financement climatique, alors que la Banque mondiale s'apprête à remplacer son Plan d'action contre le changement climatique (CCAP) et à mettre en œuvre une nouvelle carte de pointage d'entreprise.

Mais le FMI et la Banque mondiale sont-ils capables de piloter l’action climatique et une transition vers les énergies renouvelables ? Les chiffres suggèrent que ce n’est pas encore le cas. Malgré l'objectif de tripler la capacité mondiale d'énergie renouvelable d'ici 2030, les investissements de la Banque mondiale dans les énergies propres ont augmenté d'un maigre 26 % depuis l'Accord de Paris de 2015. Ces déficits exposent les pays en développement à une dépendance à long terme aux combustibles fossiles, retardant ainsi la transition vers les énergies renouvelables et exacerbant la dégradation de l’environnement.

Qu'est-ce qui ne va pas ? Et que peut-on faire ?

Lacunes dans le financement des énergies renouvelables

Malgré quelques progrès dans le soutien aux énergies renouvelables, plusieurs lacunes continuent d'entraver l'efficacité du FMI et de la Banque mondiale dans la conduite d'une transition énergétique juste.

1) Un manque de financement dédié aux projets d’énergies renouvelables

Bien que les deux institutions aient des programmes de soutien aux énergies propres, leur financement global reste fortement orienté vers les combustibles fossiles. Les engagements de la Banque mondiale en faveur des énergies renouvelables restent modestes par rapport à l'ampleur des investissements nécessaires. Le Groupe affirme avoir augmenté son financement climatique de 22 % au cours de son exercice 2023, générant un record de 38,6 milliards de dollars, mais il n'a pas fourni de clarté sur la manière dont il définit le financement climatique, quels projets spécifiques ont été financés et qui en a bénéficié. Dans de nombreux pays du Sud, le manque de financement et d’espace budgétaire constitue un obstacle urgent à la réalisation de l’objectif de tripler la capacité d’énergie renouvelable, d’abandonner les combustibles fossiles et de doubler l’efficacité énergétique d’ici 2030.

2) Inflexibilité des mécanismes de financement

Le FMI et la Banque mondiale attachent souvent des conditions strictes à leurs prêts. Cela pousse non seulement les pays vers l’austérité et la privatisation, mais limite également leur capacité à poursuivre les projets les plus adaptés à leur potentiel en matière d’énergies renouvelables. Les modèles de financement traditionnels ont tendance à se concentrer sur des infrastructures centralisées à plus grande échelle, mais ces projets ne sont souvent pas réalisables ou durables, en particulier en Afrique. Parallèlement, la nécessité d’un déploiement rapide de systèmes décentralisés d’énergies renouvelables, une approche qui serait bien plus appropriée dans de nombreux contextes, est négligée.

3) Accent limité sur l’innovation et le transfert de technologie

Pour passer aux énergies renouvelables, les pays en développement doivent avoir accès aux technologies et innovations de pointe ainsi qu’aux connaissances nécessaires pour les construire et les exploiter. Cependant, les stratégies de financement de la Banque mondiale et du FMI ne donnent pas la priorité au transfert de technologie ou au renforcement des capacités. Cela oblige les pays en développement à avoir du mal à intégrer des solutions d’énergies renouvelables et à dépendre d’entreprises externes, ce qui rend l’indépendance énergétique et la durabilité à long terme plus difficiles et plus coûteuses à atteindre.

4) Incapacité à tenir compte des contextes locaux

La Banque mondiale et le FMI financent souvent des projets universels à grande échelle qui ne tiennent pas compte des contextes locaux. Cette approche descendante ne tient pas compte des solutions locales et des initiatives communautaires qui ont le potentiel de générer des transitions énergétiques plus durables et inclusives. Les projets d’énergie renouvelable ont les meilleures chances de succès lorsqu’ils sont adaptés aux besoins, ressources et capacités spécifiques des différentes régions.

Réformer la Banque mondiale et le FMI

Pour combler ces écarts et réaliser des progrès significatifs vers une transition énergétique juste, la Banque mondiale et le FMI doivent mettre en œuvre des réformes clés.

1) Créer un fonds dédié aux énergies renouvelables

Les deux institutions devraient créer de nouvelles institutions financières publiques et transformer celles existantes pour les rendre plus démocratiques, équitables et ambitieuses. Ils devraient créer des fonds dédiés spécifiquement aux projets d’énergies renouvelables qui soient accessibles aux pays et aux communautés locales sans les conditions strictes qui accompagnent souvent les prêts conventionnels. En augmentant le financement sous forme de subventions, la Banque mondiale et le FMI peuvent fournir un soutien plus flexible, permettant aux pays d'investir dans un plus large éventail de projets renouvelables adaptés à leurs besoins.

2)Pprioriser l’innovation et le transfert de technologie

Un pilier clé du financement des énergies renouvelables devrait être de garantir que les pays en développement aient accès aux dernières technologies et innovations. La Banque mondiale et le FMI devraient mettre en œuvre des initiatives axées sur le renforcement des capacités locales, le transfert de technologies et le soutien à l'innovation dans le domaine des énergies renouvelables. Des programmes de formation d’ingénieurs et de techniciens locaux, ainsi que des partenariats avec des entreprises mondiales de technologies renouvelables, pourraient garantir le développement durable des infrastructures énergétiques dans les pays du Sud.

3) Passer des solutions centralisées aux solutions décentralisées

Les pays en développement, en particulier en Afrique, ont souvent besoin de systèmes d'énergie renouvelable décentralisés, hors réseau et à petite échelle, comme les mini-réseaux solaires et les parcs éoliens autonomes. La Banque mondiale et le FMI devraient abandonner leur préférence traditionnelle pour les projets d’infrastructures centralisés à grande échelle et investir plutôt dans des solutions donnant la priorité à l’accès à l’énergie pour les populations les plus mal desservies. Cela pourrait également impliquer du microfinancement et un soutien direct à des projets communautaires qui mettent directement l’électricité entre les mains des populations locales.

4) Intégrer la justice climatique

Au-delà des changements techniques, la Banque mondiale et le FMI doivent adopter une perspective de justice climatique qui garantisse un accès juste et équitable à l’énergie. Cela signifie développer des stratégies qui répondent explicitement aux besoins des communautés marginalisées et qui garantissent la responsabilité des impacts sociaux et environnementaux, avec une compensation et une réparation en cas de dommage. Cette approche peut garantir que les énergies renouvelables non seulement réduisent la dépendance aux combustibles fossiles, mais créent également des emplois, réduisent la pauvreté et responsabilisent les populations locales.

5) Rationaliser les processus et favoriser la collaboration

La Banque mondiale et le FMI devraient rationaliser leurs processus d’approbation des projets, sans compromettre les évaluations sociales et environnementales ni la responsabilité, afin de permettre un décaissement plus rapide des fonds. Cela aiderait les pays à déployer plus rapidement les énergies renouvelables. De plus, favoriser la collaboration avec les banques régionales de développement, les investisseurs privés et les fonds multilatéraux pour le climat contribuerait à accroître le financement. La collaboration peut débloquer des flux de financement supplémentaires, rendant ainsi les projets d’énergies renouvelables plus réalisables et plus attractifs pour les pays en développement.

6) Minimiser les dommages liés aux investissements à grande échelle dans les énergies renouvelables

Les investissements dans les énergies renouvelables devraient donner la priorité à l’accès à l’énergie, aux intérêts communautaires et à la préservation de l’environnement en se concentrant sur des financements concessionnels et basés sur des subventions, plutôt que sur des financements mixtes, pour soutenir des projets qui autrement pourraient manquer de financement.

7) Responsabilité, transparence et participation du public

La Banque mondiale devrait divulguer les détails de ses investissements dans les énergies renouvelables, y compris ceux réalisés via des intermédiaires financiers, et permettre la pleine participation des organisations de la société civile aux réunions annuelles. Le rôle de la société civile est de représenter les voix des personnes et des communautés vulnérables, en particulier celles qui ont besoin d'accéder à une énergie abordable. Le Groupe doit garantir que ses investissements rendent des comptes aux communautés affectées en renforçant et en préservant l’indépendance de ses mécanismes de responsabilisation.

Alors que les ministres se réunissent aux réunions du FMI et de la Banque mondiale à Washington, ils doivent faire face aux lacunes des systèmes de financement actuels pour les énergies renouvelables. Il est urgent de réformer ces mécanismes financiers. En modifiant leurs stratégies et en créant de nouvelles voies d’investissement, la Banque mondiale et le FMI ont le potentiel de diriger une nouvelle ère de financement des énergies renouvelables – une ère qui soutienne des systèmes énergétiques durables, justes et résilients dans le monde et en particulier dans les pays du Sud.