Les distorsions de prix régionales nuisent le plus aux petits commerçants ; À mesure que de plus en plus d'États adoptent des règles de concurrence, ce sont les commerçants et les consommateurs qui en sortiront gagnants.
Les économies nationales règnent peut-être en maître, mais le commerce transfrontalier reste dynamique dans toute l’Afrique. Les marchés sont interconnectés. Une sécheresse dans un pays aura un impact sur le prix du maïs dans un pays voisin. Les entreprises comprennent cette dynamique et opèrent souvent sur une base régionale. Prenons un exemple : des commerçants achètent du soja au Malawi et en Zambie pour ensuite les revendre au Kenya.
Lorsque les marchés fonctionnent bien, tout le monde en profite. Les barrières à l’entrée sont réduites, ce qui profite aux micro et petites entreprises, tandis que les consommateurs peuvent accéder à une variété de produits à des prix inférieurs. Mais lorsque de grands fournisseurs verticalement intégrés opèrent au-delà des frontières et abusent de leur position dominante sur le marché, ils réalisent des marges excessives. En regardant à nouveau le soja, le Observatoire des marchés africains a montré que les commerçants obtenaient une majoration allant jusqu'à 91 % en supprimant les prix aux agriculteurs au Malawi et en Zambie et en augmentant les prix aux acheteurs au Kenya.
C’est là que les autorités de la concurrence interviennent habituellement pour faire respecter les règles du marché. Pourtant, un récent rapport du Centre Shamba pour l'alimentation et le climat révèle que près de la moitié des pays d’Afrique subsaharienne ne disposent pas de lois et d’institutions sur la concurrence. Cela a des conséquences désastreuses. Les marchés deviennent des pions entre les mains de quelques entreprises, qui dictent leur fonctionnement, allant ainsi à l’encontre des principes d’ouverture des marchés et de concurrence. Dans de nombreux cas, ces entreprises déterminent les prix – qu’il s’agisse d’achat ou de vente – à leur avantage.
Dans le secteur agricole, cela conduit à la pauvreté et à l’insécurité alimentaire. Les petits producteurs alimentaires sont pressés ; ils sont confrontés à des prix plus élevés pour leurs fournitures et à des prix plus bas pour leurs produits et quittent souvent ces marchés. Les données confirment cette triste réalité. Dans les villes africaines, les prix des denrées alimentaires sont en moyenne supérieurs à 30 % plus élevé que avec des pays à revenu faible ou intermédiaire dans d’autres parties du monde.
Mais ce ne sont pas toutes de mauvaises nouvelles.
En Afrique subsaharienne, un paysage concurrentiel dynamique est en train d’émerger. Neuf pays disposent de régimes de concurrence solides et ont l’habitude de faire respecter la jurisprudence, tandis que 17 autres pays disposent d’autorités de concurrence naissantes. De plus en plus, ces autorités nationales se tournent vers les organisations régionales de concurrence pour renforcer leurs capacités. Une meilleure coopération entre les organisations de concurrence en matière de sensibilisation et d’enquête conduit à une meilleure application des règles.
Tirer parti des institutions régionales africaines et de leur application est une première étape vers la construction d’un marché fort, compétitif à l’échelle du continent. Une meilleure coordination et coopération entre les autorités régionales de concurrence et les autorités nationales sont nécessaires pour contribuer à réglementer les comportements anticoncurrentiels transfrontaliers et renforcer les capacités des autorités nationales. Ceci est particulièrement important pour les pays qui ne disposent actuellement pas de lois ou d’institutions sur la concurrence.
Une situation gagnant-gagnant
Les communautés économiques régionales, telles que le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les comportements anticoncurrentiels régionaux.
Par exemple, la Commission de la concurrence du COMESA a démontré comment elle peut réglementer la concurrence transfrontalière et soutenir les autorités nationales dans leur travail. Il reconnaît que le respect de la concurrence au niveau régional ne peut être efficace si les autorités nationales sont faibles. À ce titre, il contribue à développer les lois nationales sur la concurrence, les plans stratégiques et les capacités internes. Il sponsorise des formations et peut, sur demande, examiner le déroulement des concours et les fusions.
Pourtant, le COMESA s’appuie sur les autorités nationales de concurrence pour fournir les données et les connaissances nécessaires pour aider les autres régulateurs nationaux. Par l’intermédiaire du COMESA, par exemple, le régulateur zambien a apporté son soutien aux autorités nationales d’Éthiopie, du Malawi, des Seychelles et d’Eswatini. Les autorités nationales sont les éléments constitutifs de l’application régionale de la concurrence.
Examen des fusions transfrontalières
Le COMESA a joué un rôle actif dans la réglementation de la concurrence transfrontalière en examinant les fusions ayant des implications régionales. Au cours des 10 dernières années, 369 fusions et acquisitions ont été évaluées. Il est à noter que dans le secteur de l’alimentation et de l’agriculture, ces examens n’ont bloqué aucune fusion. Des fusions importantes, comme celles entre Bayer/Monsanto et ETG/SABIC Agri-Nutrient, ont été autorisées.
Est-ce un échec du COMESA à réguler le marché ? Préférablement pas. Ces fusions illustrent plutôt la façon dont les autorités régionales dépendent des régulateurs nationaux pour les données. Dans ces cas, les informations reçues peuvent ne pas être suffisantes, conduisant à une analyse erronée. La force du COMESA se reflète dans les capacités des autorités nationales.
Les régulateurs de la concurrence aux niveaux national, régional et continental constituent les éléments constitutifs d’une économie africaine prospère et compétitive. Une politique de concurrence efficace et son application sont des conditions préalables à des économies ouvertes, à des conditions commerciales équitables et à des conditions de concurrence équitables. Dans le secteur agroalimentaire, la concurrence est essentielle. Nos moyens de subsistance, notre bien-être et notre sécurité alimentaire en dépendent.