Le financement de l’adaptation en Afrique est dangereusement insuffisant, tant en quantité qu’en qualité. La COP29 n’a pas vraiment aidé.
Au cours du siècle dernier, les températures en Afrique ont augmenté d’environ 0,7°C, provoquant des sécheresses, des inondations et des vagues de chaleur plus fréquentes et plus graves. Le continent se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale et les événements catastrophiques qui en résultent affectent de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables. Pourtant, bien qu’elle soit à l’avant-garde de la crise climatique, l’Afrique ne reçoit qu’une fraction – moins de 3 % – du financement climatique mondial total.
L’engagement récent pris lors des négociations sur le climat de la COP29 à Bakou de consacrer 300 milliards de dollars par an aux pays en développement d’ici 2035 constitue une avancée bienvenue par rapport à l’objectif précédent de 100 milliards de dollars par an en matière de financement climatique. Mais cette augmentation est loin d’être suffisante. Les projections indiquent que les pays en développement ont besoin de 1 300 milliards de dollars par an pour lutter contre les impacts du changement climatique. Pour l’Afrique, où les pertes liées au climat pourraient atteindre 15 % du PIB d’ici 2030, les engagements actuels en matière de financement climatique sont dangereusement insuffisants.
Au-delà des chiffres se cache un problème encore plus crucial : la manière dont le financement climatique est distribué. Le nouvel objectif convenu lors de la COP29 ne prévoit pas d’allocations spécifiques pour l’Afrique ou ses pays les moins avancés. Pire encore, elle ne donne pas la priorité à l’adaptation, essentielle au renforcement de la résilience face aux impacts climatiques actuels. Parallèlement, le fait que cet objectif dépende des investissements et des prêts du secteur privé plutôt que des subventions compromet encore davantage la capacité des nations africaines à s'adapter durablement. Le financement de l’adaptation est loin d’être adéquat, tant en quantité qu’en qualité.
La pire et la meilleure pratique
Le financement de l’adaptation est déjà dominé par des inefficacités systémiques. Entre 2017 et 2021, seuls 66 % des fonds d’adaptation alloués ont été décaissés avec succès aux pays bénéficiaires. Même lorsque les fonds parviennent à destination, leur efficacité est entravée par des obstacles bureaucratiques, un manque d’alignement sur les contextes locaux et une attention insuffisante portée aux communautés locales. Selon le Stockholm Environment Institute (SEI), moins de 17 % du financement public international de l’adaptation est consacré à des projets axés spécifiquement sur les communautés locales.
Ces défauts structurels proviennent d’un décalage entre les institutions de financement et les réalités du terrain. Les décideurs conçoivent souvent des projets sans comprendre les dynamiques locales ni s’appuyer sur les connaissances de la communauté. En outre, des cadres de responsabilisation rigides et des systèmes de financement incohérents imposent des coûts supplémentaires aux pays bénéficiaires, détournant ainsi les ressources des résultats concrets.
Pour relever ces défis, le financement de l’adaptation doit être remodelé autour des principes d’équité, de durabilité et d’appropriation locale. Les projets doivent mettre l’accent sur l’inclusion des voix et des connaissances locales. Ils devraient permettre aux communautés de s’approprier les initiatives de renforcement de la résilience.
Le travail de Humana People to People, une fédération regroupant 29 associations membres dans le monde entier, suggère comment cela peut être réalisé efficacement. Ses clubs d'agriculteurs, par exemple, permettent à des groupes d'agriculteurs de renforcer leur coopération, d'accéder à la formation, d'adopter des pratiques durables et de diversifier les moyens de générer des revenus. Le changement climatique est abordé dans les discussions au niveau communautaire – dans les écoles, les réunions de village et les rassemblements publics.
Lorsqu'il s'agit d'adaptation au climat, le travail avec les petits exploitants agricoles est particulièrement important car ils sont parmi les premiers intervenants à l'échelle mondiale. Lorsque les conditions leur permettent de gagner leur vie, ils restent sur la terre et la protègent comme fondement de leurs moyens de subsistance et de leur culture. En Afrique, on estime que 33 millions de petites exploitations agricoles contribuent à hauteur de 70 % à l’approvisionnement alimentaire. Ces petits agriculteurs cultivent principalement des aliments destinés à la consommation humaine. Ils cultivent souvent une grande variété de cultures, contribuant à la biodiversité, à la santé des sols et au bien-être des communautés locales. Pourtant, ils sont confrontés à de sérieuses menaces liées au changement climatique, à la dégradation de l’environnement et à l’agro-industrie industrialisée. Pour la résilience de l’Afrique, il est crucial de soutenir les systèmes alimentaires localisés.
Les mêmes principes d’inclusion devraient s’appliquer à tous les projets locaux d’adaptation. Qu’il s’agisse de lutter contre l’intrusion d’eau salée en Guinée-Bissau ou de lutter contre les régions frappées par la sécheresse en Angola et en Namibie, la planification de l’adaptation à base communautaire et dirigée localement est plus efficace lorsqu’elle est formulée par la population, car elle identifie les défis et les réponses. Le travail de nos organisations locales cible les communautés rurales vulnérables dans l’adaptation du dernier kilomètre. Au sein de ces communautés, les projets permettent aux populations vulnérables telles que les femmes, les jeunes, les peuples autochtones et les personnes handicapées de renforcer leur voix et leur résilience face au changement climatique.
Les organisations comme la nôtre peuvent utiliser l’expertise interne et souvent nos propres fonds pour relever les défis de l’adaptation et accéder au financement climatique. Mais peu d’organisations de base des pays du Sud ont la même capacité à faire face aux coûts transactionnels liés à l’obtention de fonds auprès de donateurs internationaux, et encore moins la capacité de fournir continuellement des programmes sur des cycles de financement courts qui caractérisent le paysage ou, en fin de compte, lorsque le financement se tarit.
Cela signifie que sans réformes significatives des mécanismes de financement climatique, l’Afrique continuera de supporter le poids du changement climatique. L’engagement de 300 milliards de dollars, bien qu’il s’agisse d’un pas dans la bonne direction, est loin d’être suffisant. Il est temps d’opérer un changement systémique dans la manière dont le financement de l’adaptation est conceptualisé, mis en œuvre et suivi en Afrique et au-delà.
Il ne s’agit pas seulement d’un impératif moral mais aussi d’un impératif pragmatique. Investir dans l’adaptation aujourd’hui réduit les coûts humains, environnementaux et économiques de la reprise après sinistre de demain. Elle renforce les économies, protège les vies et favorise la résilience face à l’incertitude. L'avenir de l'Afrique – et par extension, celui du monde – est lié à notre capacité collective à agir avec audace, inclusivité et équité. Au cours de cette décennie décisive, il est essentiel que nous nous engageions en faveur d’une vision transformatrice du financement de l’adaptation. Une approche qui donne la priorité aux personnes qui en ont le plus besoin et veille à ce que personne ne soit laissé pour compte.