15 mois après une transition de 18 mois, il y a peu de signes de fin. Et le président par intérim soutenu par l’Occident agit un peu comme son père.
Le retour du Tchad à un régime civil est menacé. 15 mois après le début d’une transition politique censée durer 18 mois, le Conseil militaire de transition (CMT) a peu fait pour préparer les élections et est réprimer des voix exprimant leur inquiétude. Nous ne sommes pas plus près de la possibilité que le chef intérimaire du Tchad, Mahamat Déby, cède le poste que son défunt père, Idriss Déby, a occupé pendant plus de 30 ans.
Le 20 avril 2021, lorsque les militaires ont pris le pouvoir après l’assassinat d’Idriss Déby par rebelles tchadiensle pays était déjà confronté à un double défi de l’intérieur et de l’extérieur du pays.
À l’intérieur, anti-gouvernement mécontentement était en hausse et les mouvements de la société civile se mobilisaient face à une série de défis socio-économiques. Ces groupes ouvertement contesté l’élite dirigeante, prenant de l’ampleur autour des élections d’avril 2021 au cours desquelles Déby a remporté un sixième mandat au bureau. À l’extérieur, l’armée était confrontée à des attaques rebelles du sud de la Libye – dont l’une a mis fin à la vie de Déby – ainsi qu’à des tensions croissantes avec les milices d’autodéfense dans le nord du Tchad.
15 mois plus tard, le CMT sous Mahamat Déby présente des similitudes frappantes avec l’ancien régime. Il a un pouvoir consolidé. Il a eu recours à la violence pour réprimer la dissidence et les manifestations pacifiques appelant au retour d’un régime civil. Et tout comme Idriss Déby a changé la constitution pour supprimer les limites de mandats, il a suspendu la constitution de manière controversée et l’a remplacée par une charte de transition. Mahamat Déby n’a d’ailleurs notamment pas exclu de se présenter aux élections lorsqu’elles seront enfin organisées.
Bien que la période de transition soit censée toucher à sa fin avec des sondages d’ici septembre, il y a peu de signes que cela se produira. Il y a eu peu de progrès en termes de planification, et il y a des inquiétudes concernant les institutions créées pour superviser les élections. Entre-temps, un dialogue national destiné à élaborer un pacte social entre les partis politiques, la société civile et les formations rebelles – et qui a été présenté par la CMT comme une première étape vers la planification d’un vote – vient d’être reporté commencer le 20 août, après avoir été reporté à plusieurs reprises. Plus de 20 groupes rebelles ont déjà suspendu leur participation aux pourparlers, accusant la CMT de « harcèlements, intimidations, menaces et désinformation ».
Ce comportement constitue une menace sérieuse pour la transition et la création d’institutions post-transition qui pourraient être acceptées par les Tchadiens de différents horizons.
Mouvement « Le temps est venu »
Depuis le début de la transition, le mouvement Wakit Tama (« le temps est venu ») a mobilisé les gens à travers le Tchad contre la CMT. Créée pour s’opposer à la candidature d’Idriss Déby à un sixième mandat, la coalition d’opposition politique et de groupes de la société civile a appelé à un retour à un régime civil. Il a organisé des manifestations contre le manque d’inclusivité du dialogue national prévu et le soutien perçu de la France à l’armée.
Le gouvernement tchadien a réagi de manière familière, fréquemment interdiction manifestations ou recours à une force excessive. Les 2 et 9 octobre 2021, par exemple, des dizaines de personnes ont été blessées lorsque les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc lors d’une manifestation. De même, en ce mois de mai, les autorités ont violemment Dispersé des rassemblements organisés dans plusieurs villes contre la présence militaire française et le soutien de Mahamat Déby. Ça aussi arrêté six personnes qui ont ensuite été reconnues coupables de «trouble à l’ordre public», «atteinte à la propriété» et «agression physique».
Anticipant de nouvelles manifestations, le gouvernement tchadien a interdit de manière générale les manifestations et menacé les militants au franc-parler. Néanmoins, il y aura probablement de nouvelles protestations dans les mois à venir, car il devient de plus en plus clair que la CMT a l’intention de prolonger la période de transition.
L’Occident soutient l’armée
Il est clair que le gouvernement de transition ne peut pas jouer le rôle d’arbitre objectif guidant le pays vers des élections. Pourtant, si le mouvement Waki Tama en est parfaitement conscient, plusieurs acteurs occidentaux – comme la France et l’Union européenne (UE) – continuent de soutenir la CMT. C’est sans doute parce que le Tchad est un allié occidental clé dans la lutte contre l’extrémisme islamiste au Sahel.
C’est aussi un modèle familier. Comme examiné dans le récent Rapport sur l’état de la société civile 2022plusieurs chefs militaires de la région – y compris ceux qui sont arrivés au pouvoir par des coups d’État – ont évité la censure sérieuse des puissances occidentales et ont réussi à profiter de la préoccupation de leurs alliés étrangers pour le contrôle des migrations, la sécurité et les opportunités économiques.
Au Tchad, cette stratégie contribue à accroître le risque de déstabilisation et d’attaques de l’État contre les libertés populaires et la démocratie. Alors que le peuple tchadien se lève pour exiger des élections et l’assurance que Mahamat Déby ne se présentera pas, les alliés occidentaux du pays – ainsi que le bloc ouest-africain de la CEDEAO et l’Union africaine – doivent se tenir à leurs côtés pour garantir des élections libres et équitables et un retour à un régime civil.