Photo de Moïse Sawasawa.
En ce qui concerne la santé de la planète, la République démocratique du Congo est importante pour deux raisons.
Premièrement : sous sa vaste masse terrestre se trouvent les plus grands gisements de cobalt au monde. Ce métal bleu-gris rare est un composant essentiel des batteries lithium-ion censées alimenter la révolution de l’énergie verte. À notre niveau technologique actuel, le passage des combustibles fossiles à des éléments comme l’énergie solaire et les véhicules électriques dépend d’un approvisionnement constant en cobalt. Pas de cobalt, pas de révolution verte.
Deuxièmement : au sommet de sa vaste masse terrestre se trouve la deuxième plus grande forêt tropicale du monde. Les forêts tropicales absorbent le dioxyde de carbone et émettent de l’oxygène. Les maintenir en vie est l’une des choses les plus efficaces que nous puissions faire pour contrôler le réchauffement climatique. Si d’autres continents avaient fait un meilleur travail en matière de préservation de leurs propres forêts, nous ne serions peut-être pas du tout dans cette situation.
En d’autres termes : ce qui se passe en RDC est important, non seulement pour sa population, mais pour tous ceux qui habitent sur cette planète.

Cela étant dit, les citoyens congolais ont quelques préoccupations plus immédiates à l’heure où ils se rendent aux urnes le 20 décembre.
Malgré – ou à cause – de ses extraordinaires ressources naturelles, il reste l’un des cinq pays les plus pauvres du monde. La corruption et le gaspillage des ressources publiques « persistent et restent largement impunis », selon Amnesty International. Et un violent conflit avec diverses milices, centrées mais non limitées à l’est, ne montre aucun signe de ralentissement.
Cet état de fait ne constitue guère une adhésion retentissante au président Félix Tshisekedi, le président sortant qui brigue un second mandat.
Son élection en 2018 a été controversée : des observateurs indépendants ont déterminé qu’il avait terminé deuxième, derrière un autre candidat de l’opposition, Martin Fayulu. Néanmoins, les tribunaux et la commission électorale ont donné le vote à Tshisekedi, pensant peut-être qu’il se montrerait indulgent avec le président sortant Joseph Kabila, impliqué dans de multiples scandales de corruption mais qui n’a encore fait l’objet d’aucune poursuite.
Si le scrutin se déroule comme prévu le 20 décembre – les problèmes logistiques, notamment l’insécurité dans l’est, rendent ce scrutin incertain – alors Tshisekedi sera probablement déclaré vainqueur à nouveau, ne serait-ce qu’en raison des avantages électoraux conférés par le pouvoir au pouvoir.
La commission électorale est remplie de fidèles à Tshisekedi, selon le Centre africain d’études stratégiques, et les dirigeants de l’opposition se plaignent de son parti pris, ainsi que des tribunaux, en faveur du président.

Parmi ces dirigeants de l’opposition figurent Fayulu – décrit par ses partisans comme « le président élu » – qui a promis de réparer les torts présumés du vote de 2018 ; Moïse Katumbi, l’homme d’affaires et ancien gouverneur du Katanga qui fut autrefois l’un des plus proches alliés de Tshisekedi ; et Denis Mukwege, médecin et militant lauréat du prix Nobel de la paix.
Celui qui finira par occuper – ou rester à l’intérieur – le somptueux Palais de la Nation aura une tâche ardue devant lui. La RDC est l’un des pays les plus difficiles à gouverner au monde, compte tenu de sa taille (c’est le deuxième plus grand pays d’Afrique, après l’Algérie), de sa population (96 millions d’habitants) et de son niveau de pauvreté (le PIB par habitant n’est que de 586,5 dollars). – un cinquième de celui du Nigéria).
Mais la nouvelle administration dispose également d’une occasion extraordinaire de transformer les perspectives du pays et de ses habitants. Si elle est capable d’exploiter tout ce cobalt et ces forêts tropicales pour un développement significatif et une redistribution des richesses, alors la RDC pourrait être transformée pour les générations à venir.
Pour y parvenir, le prochain président devra faire mieux que presque tous les dirigeants de ce pays jusqu’à présent. Du roi Léopold de Belgique à Mobutu Sese Seko en passant par Joseph Kabila, les ressources naturelles du pays ont trop souvent été utilisées pour l’enrichissement personnel d’une petite élite.
Pour rendre les choses encore plus compliquées, la RDC ne sera pas laissée à elle-même pendant qu’elle cherche à mieux se gouverner. Les vastes richesses minières proposées, associées aux nouvelles possibilités vertigineuses de génération de revenus des marchés non réglementés de compensation carbone, ont attiré l’attention d’entreprises et de pays exploiteurs, dont aucun ne semble avoir à cœur les meilleurs intérêts du peuple congolais.
Quelques exemples illustratifs : des entreprises publiques chinoises ont signé des accords de plusieurs milliards de dollars pour garantir l’accès aux mines de cobalt. Mais ils ont déjà été impliqués dans des pratiques de corruption et de fraude.
Les pays voisins, notamment le Rwanda, sont accusés d’attiser le conflit et de profiter du chaos pour exporter les minerais congolais comme les leurs.

Glencore, la société minière basée en Suisse, poursuit de manière agressive de nouveaux projets miniers en RDC, même après avoir été contrainte de payer 180 millions de dollars pour régler des affaires de corruption dans ce pays.
Les États-Unis et l’Europe ont tacitement approuvé les dernières élections, même lorsque des observateurs indépendants ont conclu qu’elles avaient été volées, dans l’intérêt de la stabilité – mais de qui exactement ? Certainement pas celui des près de 7 millions de personnes actuellement déplacées à l’intérieur de la RDC – le nombre le plus élevé jamais enregistré, selon l’Organisation internationale pour les migrations.
Peu d’éléments issus de son premier mandat suggèrent que Tshisekedi soit capable de surmonter ces défis considérables. Un certain nombre de ses alliés et collaborateurs ont été impliqués dans d’importants scandales de corruption. L’insécurité s’est aggravée, l’armée nationale étant impliquée à plusieurs reprises dans des massacres de civils au milieu d’alliances douteuses avec certaines milices. Les mêmes vieilles entreprises semblent conclure les mêmes vieilles affaires douteuses.
Mais le cobalt continue de couler. Les forêts tropicales ne disparaissent pas aussi vite qu’elles le pourraient. Même si cela ne se traduit pas par un bénéfice matériel pour les habitants du pays, c’est tout ce qu’un monde brutalement indifférent semble exiger de la RDC – quel que soit le vainqueur des élections.