Une étude récente du Centre africain d'études stratégiques (ACSS) a révélé que les campagnes de désinformation visant à manipuler les systèmes d'information africains ont été multipliées par quatre depuis 2022. (Photo d'Atilgan Ozdil/Agence Anadolu/Getty Images)
2024 est considérée comme la plus grande année électorale de l’histoire. Plus de 80 élections nationales sont prévues, touchant 52 % de la population mondiale. En outre, dans une récente enquête menée par Ipsos, 87 % des personnes interrogées dans 16 de ces pays ont exprimé leur inquiétude quant au risque d'impact de la désinformation sur les résultats des élections, les médias sociaux étant identifiés comme la principale source de désinformation.
Le Rapport sur les risques mondiaux 2024 identifie la désinformation comme l’un des principaux risques auxquels le monde devra faire face, prédisant que «… au cours des deux prochaines années, le recours généralisé à la désinformation et à la désinformation, ainsi que les outils permettant de les diffuser, pourraient saper la légitimité de la désinformation.» gouvernements nouvellement élus. Les troubles qui en résulteraient pourraient aller de manifestations violentes et de crimes haineux à des affrontements civils et au terrorisme.
Le rapport poursuit en postulant que la montée de la désinformation pourrait forcer de plus en plus les gouvernements à contrôler l'information « … en fonction de ce qu'ils jugent être « vrai » ». Ceci est préoccupant dans un environnement où les libertés sur Internet sont déjà en déclin.
Alors, qui se cache derrière cette montée de la désinformation ?
Une étude récente du Centre africain d'études stratégiques (ACSS), Mapping a Surge of Disinformation in Africa, a révélé que les campagnes de désinformation visant à manipuler les systèmes d'information africains ont été multipliées par quatre depuis 2022. L'étude a identifié 15 campagnes nord-africaines, 33 Campagnes d'Afrique de l'Est, 25 campagnes d'Afrique australe, 21 campagnes d'Afrique centrale et 72 campagnes d'Afrique de l'Ouest. L'étude a également identifié 23 campagnes transafricaines liées principalement au Kremlin et, dans une moindre mesure, au Parti communiste chinois (PCC).
Les 23 campagnes identifiées sont parrainées par un éventail d'acteurs, notamment des acteurs liés au Kremlin, des acteurs liés au PCC, d'autres acteurs étrangers (non identifiés), des acteurs de groupes islamistes militants, des acteurs militaires (y compris des acteurs conjoints), des acteurs politiques nationaux et d'autres acteurs (indéterminés). acteurs).
- En Afrique du Nord, des preuves d’ingérences liées au Kremlin ont été constatées dans toute la région, en plus des acteurs politiques nationaux.
- En Afrique de l’Est, les acteurs politiques nationaux portent la responsabilité première des campagnes de désinformation, même s’il existe également des preuves de campagnes orchestrées par des groupes militants islamistes et l’armée.
- La région de l’Afrique australe a également été témoin d’un nombre important de campagnes de désinformation liées au Kremlin et au PCC. Il est intéressant de noter que les campagnes menées dans toute l’Afrique australe par des acteurs politiques nationaux n’ont été présentées que dans deux cas au Zimbabwe.
- L’influence liée au Kremlin a également dominé la région de l’Afrique centrale, ainsi que quatre campagnes politiques intérieures en RDC.
- En Afrique de l’Ouest, les campagnes liées au Kremlin étaient les plus répandues, aux côtés des campagnes liées au PCC et d’un certain nombre de campagnes politiques nationales.
Cette dissimulation claire et ciblée a des ramifications importantes pour l’espace des médias sociaux en Afrique. Comme le souligne le rapport de l’ACSS :
- 300 millions d’Africains sont venus sur les réseaux sociaux au cours des 7 dernières années ;
- Il y a plus de 400 millions d’utilisateurs actifs des médias sociaux et 600 millions d’internautes sur le continent ;
- Les Africains en ligne dépendent des médias sociaux pour obtenir du contenu d’actualité parmi les plus élevés au monde ;
- Les utilisateurs des réseaux sociaux au Kenya et au Nigéria, par exemple, se situent en haut de l’échelle en termes d’heures par jour passées sur les plateformes de réseaux sociaux. Ces pays sont également les plus préoccupés par les informations fausses et trompeuses.
[Source: Digital 2024: Global Overview Report]
Dans ce contexte, il est clair qu’une proportion importante de l’électorat africain fera des choix politiques basés sur les informations consommées sur les réseaux sociaux. En effet, les élections africaines se sont avérées être un terrain privilégié pour les campagnes de désinformation et d’influence. En déployant des équipes mercenaires d’opérations de désinformation, un groupe israélien, « Team Jorge », aurait mené des campagnes de désinformation influençant plus de 20 élections africaines depuis 2015.
Les juridictions dotées de freins et contrepoids plus solides, comme celles qui limitent le nombre de mandats présidentiels, semblent moins vulnérables aux campagnes de désinformation parrainées par l’étranger. Au Kenya et au Nigeria, par exemple, les acteurs nationaux ont été beaucoup plus présents lors des élections respectives de 2022 et 2023.
Tous ces rapports montrent clairement que les acteurs étatiques étrangers s’investissent massivement pour influencer l’espace politique africain et les élections à leurs propres fins par le biais de la désinformation. Les hommes politiques africains doivent donc se montrer à la hauteur et agir pour sauvegarder notre espace démocratique.
Ils doivent sensibiliser les électeurs à l’ampleur de la désinformation sur les réseaux sociaux et en ligne, ainsi qu’envisager et mettre en œuvre des mesures législatives et politiques efficaces et robustes. Cette situation est d’autant plus intimidante en raison de la vitesse à laquelle évoluent les tendances en matière de désinformation, comme en témoigne l’essor de l’intelligence artificielle générative.
Heureusement, l’Afrique ne manque pas de capacités intellectuelles pour relever ces défis ; il suffit de combiner ces progrès avec une volonté politique adaptée pour relever l’un des défis les plus critiques de notre époque.
Tom Mboya est un professionnel de la gouvernance possédant une large expérience dans le domaine, notamment dans la lutte contre la corruption, le développement parlementaire, la réforme du secteur public, les affaires politiques, la recherche et le plaidoyer.
– Cet article fait partie de la série Elections de The Digital Afrikan – 2024. The Digital Afrikan est une organisation journalistique dont la mission est de conduire la transformation numérique en Afrique. Visitez notre site Internet ou contactez-nous au [email protected].