L’Union européenne et la Tunisie ont signé ce dimanche un protocole d’accord en matière d’immigration et d’économie. La deuxième fois était le charme. Une délégation européenne était déjà au Palacio de Cartago le 11 juin et ce dimanche, elle est revenue pour débloquer la négociation. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le Premier ministre italien, Giorgia Meloni, et le Premier ministre néerlandais par intérim, Mark Rutte, sont rentrés en Tunisie pour enfin signer un accord avec le président, Kais Saied.
« Il a été convenu que la Tunisie protégera mieux ses frontières et luttera contre la traite des êtres humains, en échange d’investissements de l’UE. Cet argent est destiné à améliorer l’économie tunisienne », a déclaré un porte-parole du Premier ministre Rutte, cité par l’Efe. Lors de la conférence de presse depuis la Tunisie, aucun détail n’a été donné par les trois responsables européens.
Les négociations avaient été bloquées après fin juin Saied refusera de devenir « gendarme des frontières de l’Europe ». Le pacte proposé en juin au pays d’Afrique du Nord prévoyait une aide de plus d’un million d’euros de l’Union européenne en échange de la coupure du flux migratoire de ses côtes. Les détails de la signature ce dimanche, à l’issue de cette édition, n’ont pas été dévoilés.
Les côtes tunisiennes sont devenues ces derniers mois un foyer d’émigration clandestine vers le nord, notamment vers l’Italie, avec plus de 70 000 personnes à ce jour en 2023. Au cours de ces sept mois, la hausse est significative si l’on compare les chiffres de 2021, avec 24 624 arrivées, et de 2022, avec 31 920. Selon les chiffres cités par Corriere della Seraseulement en juillet de cette année, les débarquements se sont déroulés à un rythme compris entre 600 et 1 000 par jour.
Cela a beaucoup à voir avec la « croisade » contre les immigrés subsahariens que le populiste Saied a entreprise. En février, il se fait remarquer avec un discours raciste dans lequel il accusait ce peuple de tous les maux du pays. Les immigrés africains, a-t-il dit, « font partie d’un complot criminel né à l’aube de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie et il y a des partis qui ont reçu d’importantes sommes d’argent depuis 2011 pour installer des migrants en Tunisie » afin de diluer , selon lui, le caractère « arabo-musulman » de la Tunisie.
Après ces déclarations, il y a eu un vague de haine contre les migrants subsahariens, avec des affrontements avec les habitants inclus. Lors d’un incident survenu le 3 juillet, un Tunisien a été tué. Cela a déclenché la «chasse aux immigrés». Des organisations tunisiennes et internationales de défense des droits de l’homme ont dénoncé ces derniers jours expulsion de centaines de personnes vers les frontières avec l’Algérie et la Libye, des zones désertiques et inhospitalières, avec des températures de plus de 40 degrés, ainsi que des agressions physiques, des harcèlements et des vols. Les corps de deux migrants ont été découverts dans le désert de Hazua cette semaine.
Le Croissant-Rouge tunisien lui-même a confirmé cette semaine l’expulsion de 600 migrants, sans nourriture ni eau, vers le périmètre frontalier de Ben Guerdane, qui borde la Libye et qui est devenue ces dernières années une zone surveillée par l’armée pour stopper le flux de contrebande de toutes sortes et contrôler les groupes djihadistes qui ont commencé à proliférer dans la zone dans le feu du chaos libyen. L’organisation les a accueillis dans les écoles.
Alors que la soi-disant « équipe Europe » s’est rendue en Tunisie et a rencontré ce dimanche le président Saied, 1 400 personnes sont arrivées sur l’île italienne de Lampedusa, située à quelques heures des côtes tunisiennes. Aux fins du contrôle migratoire, du sauvetage et du retour des migrants et demandeurs d’asile et de la lutte contre la traite des êtres humains, la Commission européenne a offert 105 millions d’euros à la Tunisie.
Lors de leur visite du 11 juin, les responsables européens ont proposé une convention de partenariat avec cinq axes de financement, par secteur : numérisation, énergie, migration, échanges humains et développement. Celui-ci est également destiné à atténuer la grave crise économique que traverse le pays, allouant 900 millions d’euros en plus de 150 millions d’appui budgétaire. Cependant, la condition « sine qua non » pour accéder à ces fonds est l’octroi d’un prêt de 1,9 milliard de dollars du Fonds monétaire international (FMI), que la Tunisie négocie. Et cette ligature a été la principale objection que le président Saied a dû accepter avec l’UE.
Saied, qui fêtera ce 25 juillet deux ans de gouvernement avec les pleins pouvoirs après avoir suspendu le Parlement et limogé le Premier ministre, a également rejeté les conditions du FMI. Depuis 2021, le pays connaît un sérieux recul de la démocratie et des droits et libertés civiques.