Au cours de l’été de l’année dernière, Jordan Peele faisait référence à ‘buck et le faussaire‘, de Sidney Poitier et Joseph Sargent, comme le film définitif pour toute une génération. Sa génération. En fait, c’est un occidental sympathique de 1972, pas tout à fait médiocre, mais tellement anecdotique que la déclaration sonnait comme une simple provocation pour les journalistes de banlieue.
La clé est venue ensuite : « Il est difficile de grandir dans un monde où tous les héros sont blancs. Dans ce film, pour la première fois, j’ai vu un protagoniste beau, drôle et, surtout, noir comme moi. » Directeur de ‘non‘, film pour lequel il s’est laissé interviewer, a confié Harry Belafonte. Le truqueur du titre était aussi le producteur de la bande, un gars avec du charisme, de l’engagement et avec la plus belle voix dans sa dureté partout dans le Far West.
Belafonte est décédé mardi à l’âge de 96 ans et son héritage va bien au-delà de la musique. Et du cinéma. Et d’activisme. Son héritage, comme Peele l’a immédiatement dit, c’est lui. C’était un musicien, compositeur, interprète et un homme tellement conscient de son époque qu’il a fini par se confondre avec elle. ‘bateau banane‘une chanson sur les débardeurs caribéens avec son ‘ sonoreJour O‘ au milieu, a fait de lui une star; une étoile dont l’effort pour briller était tout sauf un ornement.
Ami personnel de Martin Luther King, il n’y a pas eu de marche pour les droits civiques dans les années 1960 qui ne l’ait pas inclus. Et ainsi jusqu’à deux décennies plus tard, il a insisté pour convertir la célèbre chanson ‘Nous sommes le monde‘ dans un drapeau contre l’injustice, contre la famine, contre l’invisibilité de l’invisible.
En 2001, il déclare au ‘New York Times’ cette colère était son carburant pour lui. « La rébellion est saine et je dois faire partie de la révolution qui change tout cela. » Revoir sa filmographie, avant sa musique, est en fait le signe le plus évident que la phrase en question était sérieuse. « Une île au soleil » (1957), de Robert Rossen, le place au centre de toutes les cibles. Son personnage, amoureux de la très blanche Joan Fontaine, s’est hissé en icône 10 ans avant ‘Devinez qui vient dîner ce soir ? poserait quelque chose de similaire. La cassette a été interdite en Caroline du Sud et a subi un boycott très violent de la part du Ku-Klux-Klan.
À ses côtés, ‘Paris contre demain, de Robert Wise, deviendra deux ans plus tard une référence en matière de conciliation et même d’espoir grâce à une dispute plaçant un Belafonte charmant et très tricheur dans la même bande de braqueurs aux côtés d’un ex-taulard raciste. Il arrivera alorsoccidental‘Depuis le début de la comédie blaxploitation ‘Uptown Saturday Night (c’est arrivé un samedi)‘ (1974) à la plus grande gloire de Poitiers, Richard Pryor, l’innocent Bill Cosby et lui. Tous noirs, tous héros, tous irrésistibles. En 1984, un de plus, il produit ‘Beat Street’, l’un des premiers films sur le break-dance et la culture hip-hop.
belafonte Il est né dans le quartier new-yorkais de Harlem, mais a passé sa petite enfance dans sa Jamaïque natale. Il devint bientôt connu sous le nom de roi du calypso et ainsi de suite pour montrer l’honneur discutable d’être le premier noir à qui a été autorisé à se produire dans des boîtes de nuit à la mode. Son troisième album est aussi un record : il devient le premier d’un artiste solo à se vendre à plus d’un million d’exemplaires. Lorsque, dans les années 1960, une mauvaise opération chirurgicale pour enlever un nodule sur ses cordes vocales a réduit sa voix, Belafonte a fait du chuchotement une manière d’être au monde.
Il parcourt le monde en tant qu’ambassadeur de l’UNICEF et crée une fondation contre le sida. En 2014, il a reçu un Oscar pour son travail humanitaire. Il était, disions-nous, le principal responsable de ‘Nous sommes le monde’, la collaboration musicale de stars qui, en 1985, a levé des fonds pour atténuer la famine en Éthiopie. Et tout cela à cause d’un rapport dévastateur sur la catastrophe humanitaire qui l’a impressionné à la rage d’avant. Il y avait Michael Jackson, Stevie Wonder, Bruce Springsteen, Bob Dylan, Ray Charles, Diana Ross…
« Beaucoup de gens me demandent : ‘Quand as-tu décidé de devenir activiste ?’ Belafonte a déclaré dans une interview au Radio Publique Nationale en 2011. « Je leur dis : ‘J’étais activiste bien avant de devenir artiste.' » Même à 80 ans, Belafonte est resté fidèle à ses armes et a fait pression sur le président Barack Obama pour étendre ses droits. Il a co-présidé la Marche des femmes sur Washington qui s’est tenue au lendemain de l’investiture de Donald Trump en janvier 2017. Le zèle politique de Belafonte a défrayé la chronique en janvier 2006 lors d’un voyage au Venezuela lorsqu’il a appelé le président George W. Bush. « le plus grand terroriste du monde ». Ce même mois, il a comparé le département américain de la Sécurité intérieure à la Gestapo. Et ainsi.
Né Harold George Bellanfanti, il n’a pas eu une enfance facile. À plus d’une occasion, il a décrit son père comme un ivrogne abusif quitter la famille. C’est sa mère qui l’a mené à la politique : « Elle m’a appris à ne jamais capituler, à ne jamais céder, à toujours résister à l’oppression », déclare-t-il. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il s’est enrôlé dans la marine. « J’étais poussé par la conviction qu’Hitler devait être vaincu… Mon engagement a été maintenu après la guerre. Partout où j’ai rencontré une résistance à l’oppression, que ce soit en Afrique, en Amérique latine ou aux États-Unis, j’ai rejoint la résistance. » Après son passage dans l’armée, il a travaillé comme concierge dans un immeuble et comme machiniste à l’American Negro Theatre avant de décrocher des rôles et d’étudier avec Marlon Brando et Sidney Poitier.
Jordan Peele met en ‘non‘, sur la cassette, une belle affiche de ‘Buck et le faussaire’. Sur fond jaune, un revolver (ou plusieurs) chacun, Sidney Poitier et Harry Belafonte. Ce ne sont pas des accessoires, c’est une déclaration d’intention. C’est clair.