Inondations en Libye : il y aura encore beaucoup plus de Derna

Les inondations ont été causées par les pluies torrentielles de la tempête Daniel, qui a touché terre dimanche en Libye après avoir frappé la Grèce, la Bulgarie et la Turquie. (Photo du bureau de presse du Premier ministre libyen / AFP)

La ville libyenne de Derna se trouve sur la côte, au fond d’une vallée où coule une rivière saisonnière. Parce que les inondations ont déjà endommagé la ville, deux barrages ont été construits pour contenir la rivière.

Les précipitations en septembre sont généralement de 1,5 mm. Le dimanche 10 septembre, 400 mm sont tombés en une journée. Un barrage s’est fissuré et un mur d’eau de trois mètres a déchiré le béton.

Jusqu’à présent, plus de 11 000 personnes sont mortes.

L’Association météorologique mondiale affirme que ce chiffre serait bien inférieur si la population avait été prévenue. Mais la Libye ne dispose pas d’un gouvernement fonctionnel. La guerre civile qui dure depuis dix ans n’est pas résolue et le pays est divisé en deux. Derna se trouve dans la moitié orientale du pays.

Les survivants ont déclaré à la BBC qu’ils avaient sonné l’alarme concernant des fissures dans le barrage supérieur. Les chefs de guerre au pouvoir avaient d’autres priorités.

Dans les scénarios climatiques, beaucoup de choses dépendent de la gouvernance. De meilleurs dirigeants et institutions signifient que les pays sont plus susceptibles de planifier à l’avance, d’entretenir leurs infrastructures et de répondre aux crises. La Libye est classée 126e sur 185 pays selon l’indice ND-Gain, qui calcule la résilience au changement climatique.

Les inondations du 10 septembre proviennent de la tempête Daniel, qui a également frappé la Grèce et la Turquie. Lors de sa traversée de la Méditerranée, l’eau chaude de la mer lui a donné de l’énergie. Cela signifiait une tempête plus violente et plus de pluie.

Les océans et les mers sont plus chauds parce que les émissions de gaz à effet de serre emprisonnent la chaleur dans l’atmosphère. La majeure partie de cette chaleur finit par être absorbée par les océans. Les scientifiques préviennent depuis des décennies que cela « amplifierait » les tempêtes. Ces avertissements ne sont plus rédigés au futur.

Le vendredi précédant la submersion de Derna, l’agence des Nations Unies pour le climat a publié un rapport faisant le point sur les mesures prises par les pays pour réduire leurs émissions et s’adapter à un monde en évolution.

L’Accord de Paris de 2015, par lequel 196 pays ont convenu de faire de leur mieux pour que le monde reste habitable, exige que les pays soumettent des plans tous les cinq ans. L’idée est que ces plans deviennent plus ambitieux avec le temps.

Mais peu a été fait pour réduire les émissions. Les niveaux de carbone sont désormais à leur plus haut niveau depuis deux millions d’années. Le monde est déjà plus chaud de 1°C.

Le rapport de l’ONU met en garde : « Il y a une fenêtre d’opportunité qui se réduit rapidement pour assurer un avenir vivable et durable pour tous. »

Pour garantir ne serait-ce qu’une chance sur deux de maintenir le chauffage à des niveaux simplement catastrophiques, le rapport indique que les gaz à effet de serre doivent atteindre leur maximum d’ici 2025. Cela fait maintenant 15 mois. Il leur faudra alors baisser de 43 % d’ici 2030, de 60 % d’ici 2035 et de 84 % d’ici 2050.

Cela exige que chaque pays fasse tout ce qu’il a promis de faire. L’augmentation continue des émissions de carbone et les chiffres présentés dans le rapport de l’ONU montrent que ce n’est pas le cas des pays. La majorité des plans soumis à l’ONU ne sont pas chiffrés. Parmi ceux qui le sont, 89 % ne précisent pas d’où viendra l’argent.

Et les projets sans argent derrière eux ne sont guère plus que des vœux pieux.

Il existe cependant de l’argent pour augmenter les émissions de carbone. Une étude réalisée cette semaine a révélé que les États-Unis sont responsables d’un tiers de tous les nouveaux projets pétroliers et gaziers. Viennent ensuite le Canada, la Russie, l’Iran, la Chine, le Brésil et les Émirats arabes unis, qui accueilleront la prochaine COP sur le climat du 30 novembre au 12 décembre.

Avec l’augmentation de la chaleur dans le système climatique mondial, les conditions météorologiques deviendront encore plus destructrices. Derna sera reléguée au rang de simple note de bas de page dans la très longue liste de ceux qui en paient le prix.

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