La valeur économique ajoutée au PIB du continent par les technologies et services mobiles s’élèvera à 155 milliards de dollars d’ici 2025. Les transactions sur les plateformes d’argent mobile ont atteint 490 milliards de dollars en 2020. YASUYOSHI CHIBA/AFP via Getty Images)
L’adoption croissante des dernières technologies numériques dans les pays en développement a accru les spéculations et l’optimisme quant à la nécessité de combler le fossé entre les relativement riches et les pauvres, qui vivent souvent dans des zones rurales mal desservies.
En Afrique, où plus d’un tiers de la population vit dans une pauvreté extrême et 36 % sont analphabètes, ouvrir un compte bancaire formel est devenu un cauchemar pour la majorité de la population. Beaucoup sont au chômage et ne disposent pas de toutes les conditions nécessaires pour ouvrir un compte bancaire, y compris, mais sans s’y limiter, un flux de revenus constant.
Exclusion financière et « chaînon manquant »
Une étude de Research ICT Africa, menée en 2017, indique que seulement 24 % de la population des pays d’Afrique subsaharienne est financièrement incluse, le reste de la population de ces pays ne disposant pas de facilités de crédit pour lisser la consommation ou de compte pour épargner et se prémunir contre les risques futurs. La question est même pertinente parmi les « chaînons manquants » qui travaillent souvent dans le secteur informel.
Bien que ce groupe de personnes gagne suffisamment d’argent pour épargner et financer leur vie quotidienne, le manque de documents requis conduit souvent à leur exclusion des systèmes bancaires formels. En Afrique du Sud, par exemple, un pays doté de bons systèmes de sécurité tels que le programme de logement subventionné par le gouvernement, la majorité des personnes licenciées ne sont pas assez pauvres pour recevoir des subventions gouvernementales, mais trop pauvres pour avoir droit à un crédit auprès des systèmes bancaires formels.
Le logiciel numérique à la rescousse
La plateforme d’argent mobile est une plateforme susceptible d’élargir l’accès aux services financiers, de promouvoir l’inclusion financière, d’améliorer la gestion des risques, de promouvoir l’épargne et de faciliter l’accès au crédit. Les logiciels d’argent mobile permettent aux utilisateurs d’encaisser, d’épargner, de transférer, d’effectuer des paiements locaux et internationaux, des paiements de factures, ainsi que des hôtels et des vols à l’aide d’un compte ou d’une application mobile.
De nombreuses études citées dans des revues d’actualité et de recherche numériques soulignent l’importance de l’argent mobile dans les pays d’Afrique subsaharienne. Par exemple, une étude de Mothobi et Grzybowski (2017) montre qu’elle peut être considérée comme une alternative aux infrastructures physiques, qui profite à ceux qui vivent dans des zones reculées et qui peuvent ne pas avoir accès aux services financiers.
Cependant, Grzybowski, Lindlacher et Mothobi (2023) soutiennent que la tendance de l’argent mobile facilite les transactions entre les plus riches et les pauvres, permettant ainsi aux jeunes travailleurs migrants résidant dans les zones urbaines de prendre soin de leurs parents plus âgés ou pauvres dans les zones rurales.
L’argent mobile résoudra-t-il le problème ?
La question est la suivante : l’argent mobile peut-il favoriser l’inclusion des pauvres financièrement exclus, ou est-ce simplement une illusion ? Les faits montrent qu’en fonction de la volonté politique, des institutions et du cadre réglementaire, l’argent mobile peut effectivement changer la situation sur le terrain et fournir toutes les conditions nécessaires pour qu’un individu soit financièrement inclus.
Lorsque les bons systèmes sont mis en place, l’argent mobile peut intégrer le secteur informel dans le secteur formel en fournissant la plateforme nécessaire pour suivre les transactions et les scores de crédit de ceux qui sont exclus du système bancaire formel.
En revanche, lorsque les systèmes ne fonctionnent pas correctement, l’argent mobile risque d’échouer. Par exemple, bien que l’Afrique du Sud soit considérée comme l’une des sociétés les plus inégalitaires au monde et que la majorité soit exclue des systèmes bancaires formels, l’argent mobile n’a pas réussi à prendre forme. Ceci est contraire aux pays d’Afrique de l’Est où l’argent mobile a connu du succès. Selon les données recueillies par Research ICT Africa, plus de 70 % de la population du Kenya est financièrement incluse.
Il semble que si l’argent mobile constitue une réponse à l’inclusion financière, il ne constitue pas la panacée ou la solution miracle comme beaucoup le pensent. Certains obstacles sont liés au marché tandis que d’autres sont structurels. Lorsque les opérateurs de réseaux mobiles possèdent leurs bases d’abonnés respectives et divisent le marché, la création d’une plateforme d’argent mobile inter-réseaux suscite peu d’intérêt. De même, les technologies qui facilitent l’inclusion restent la propriété des mêmes opérateurs, ce qui rend les solutions agnostiques difficiles à mettre en œuvre en dehors de leurs réseaux centraux propriétaires.
Le Dr Onkokame Mothobi est chercheur postdoctoral à la Wits School of Governance et contribue à Tayarisha, une initiative sur la gouvernance numérique, créée (2021) à l’Université du Witwatersrand à Johannesburg. Mothobi se spécialise en économie industrielle avec un accent sur la demande de télécommunications, la concurrence et les politiques réglementaires.