Cette photographie prise à Yaoundé, le 17 février, montre le logo Djangui Money sur un téléphone portable. Dans de nombreux pays africains, la tontine est un système d'épargne collective populaire qui permet depuis des années à ceux à qui les banques ne prêtent pas de financer un projet ou une urgence. Au Cameroun, les start-up l’ont fait entrer dans l’ère du numérique ces dernières années. (Photo de Daniel BELOUMOU OLOMO / AFP)
Le visage de Joseph Ngono s'illumine lorsqu'il regarde son smartphone, où un paiement de 830 dollars vient d'apparaître dans son portefeuille numérique. Comme de nombreux Camerounais, l'informaticien cotise chaque semaine à un fonds d'épargne commun appelé « tontine », un système ancien que les start-up font désormais entrer dans l'ère du numérique.
Le système de « mise en commun de l’épargne… entre personnes unies par des liens familiaux, amicaux, professionnels, claniques » existait « bien avant l’introduction de l’argent », selon un rapport de 2020 publié par le Centre de recherche sur le développement mondial. Il répertorie 30 pays africains où les tontines sont utilisées et 14 en Asie. En Afrique du Sud, on l'appelle stokvel.
Il a versé cette semaine 500 000 francs centrafricains à Ngono, qui les utilisera pour couvrir l'installation finale des frais de scolarité de ses enfants. « Sans cela, ils n'iraient pas à l'école », a-t-il déclaré.
Boudés par les banques, de nombreux Camerounais se tournent vers leurs communautés pour obtenir de l'aide sous forme de tontines, comme celle que Ngono utilise via l'application pour smartphone Djangui. Dans sa forme la plus courante, les membres versent de l'argent dans un fonds commun et le collectent à tour de rôle après une période convenue – et ce, sans intérêt.
Chaque semaine, Ngono, ainsi que des collègues et des inconnus qu'ils parrainent, contribuent chacun à hauteur de 10 000 FCFA (16 dollars) à Djangui. Cela donne à Ngono un accès crucial à des liquidités immédiates – il ne reçoit qu’occasionnellement son salaire mensuel de 250 dollars parce que son employeur « connaît des difficultés de trésorerie ».
Lancée en 2016 par Guilain Kenfack, Djangui a été l'une des premières applications de tontine du pays.
Depuis sa création, Kenfack a déclaré que l'application avait gagné 50 000 utilisateurs.
De nombreux imitateurs de Djangui ont vu le jour. Comme dans d’autres pays d’Afrique, de nombreux Camerounais ont du mal à obtenir des prêts auprès des banques.
L’African World Institute a écrit dans un rapport de 2019 que 85 % des habitants du continent sont « exclus du système bancaire ». Au Cameroun et ailleurs, le taux d’intérêt moyen des prêts aux particuliers était de 10 % en 2022, selon la Banque des États de l’Afrique centrale.
La tontine « remplace la banque » et permet aux « acteurs économiques informels » de réaliser des dépenses ou des investissements, estime Omer Zang, fondateur d'une ONG d'appui aux tontines.
Les systèmes d'épargne numérisés ont suscité l'intérêt des banques, notamment de la société camerounaise Afriland First Bank, qui offre à ses clients la possibilité de « tromper ».
Mais les imbéciles en ligne peuvent être risqués car les gens peuvent s'inscrire sous de fausses identités. Le fonctionnaire Paul Kemayou a perdu 1 700 dollars dans une tontine en ligne. C'est pourquoi certains Camerounais s'en tiennent aux tontines traditionnelles.
« Je préfère les tontines où les gens se retrouvent en personne », explique Emmanuel Talla, commerçant. « On se connaît, les vieux et les jeunes se retrouvent. Les relations ne se limitent pas à l’argent.
-AFP