Un ancien carabinier sénégalais nonagénaire portera la flamme olympique en France

Oumar Dieme, 91 ans, tirailleur sénégalais pose pour un portrait à Badiana le 14 mai 2024. (Photo de JOHN WESSELS/AFP via Getty Images)

A plus de 90 ans, l'ancien carabinier sénégalais Oumar Dieme considère comme un miracle qu'il porte la flamme olympique lors de l'ouverture des Jeux de Paris cet été.

À l’ombre des manguiers et des cotonniers, il raconte son passage dans les « Tirailleurs sénégalais », un corps de fantassins africains qui ont combattu pour la France lors des deux guerres mondiales et de diverses luttes de décolonisation.

Le boubou traditionnel orné d'une médaille de Dieme parle de son service dans l'ancienne Indochine française et plus tard en Algérie, alors qu'il évoque ceux qui ne sont jamais retournés dans leur pays d'origine.

« De nombreux collègues sont restés sur place. D'autres sont revenus mutilés [or] Nous ne sommes plus, dit-il, sa casquette bleue épinglée avec le grade de sergent.

Dieme a expliqué qu'une vingtaine d'hommes de son village de Badiana, dans le sud de la Casamance, ont servi dans le corps des tirailleurs sénégalais jusqu'à sa dissolution dans les années 1960.

Il a ajouté qu’il faisait partie des « chanceux ».

«Je suis le seul survivant. C'était un miracle que j'aie été choisi », a-t-il raconté, entouré de membres de sa famille et de bâtiments en ruine.

Dieme a été choisi comme l'un des relayeurs pour porter la flamme olympique lors de son passage dans le département parisien de la Seine-Saint-Denis pour l'ouverture des Jeux fin juillet.

Les organisateurs ont accepté la candidature du département où vivait Dieme avant son retour au Sénégal en 2023.

« L'élection d'Oumar Dieme contribue à l'indispensable travail de mémoire, car les tirailleurs sénégalais ont été trop longtemps oubliés dans notre mémoire collective », a déclaré Stéphane Troussel, président du département de Seine-Saint-Denis.

Dieme n'avait jamais entendu parler de la flamme olympique, mais il a quand même accepté.

« Vu mon âge, j'aimerais être accompagné de mon fils », a-t-il déclaré.

Dieme fait partie des milliers de soldats nés dans les anciennes colonies françaises d'Afrique à avoir combattu dans le corps des Tirailleurs sénégalais, créé en 1857.

Il s'est enrôlé le 6 mars 1953, après avoir quitté la Gambie voisine où son père, imam, l'avait envoyé étudier le Coran.

Les recruteurs ont donné à Dieme la date de naissance du 31 décembre 1932, ce qui lui donne 20 ans à l'époque, mais il pense qu'il a au moins deux ans de plus.

Il s'est porté volontaire pour se rendre en Indochine, où la France, dirigeante coloniale soutenue par les États-Unis, combattait le mouvement indépendantiste du Viet Minh, soutenu par la Chine.

Il avait vu « des gens revenir avec des médailles et des décorations. «J'ai aimé ça», dit-il.

Dieme raconte comment il a vu 22 hommes de sa compagnie tomber dans une embuscade, et comment l'encerclement de Dien Bien Phu l'avait empêché, lui et ses collègues, d'y arriver avant la défaite décisive des troupes de l'Union française en 1954.

De retour dans son pays d'origine, Dieme repart en 1959, cette fois en direction de la guerre d'Algérie.

C'est ici qu'il a appris pour la première fois l'indépendance du Sénégal vis-à-vis de la France en 1960.

Dieme a été rapatrié et réenrôlé dans l'armée sénégalaise, avant de prendre sa retraite à 36 ans et de travailler comme agent de sécurité à l'Université de Dakar et comme coursier bancaire jusqu'en 1988.

Dieme s'installe plus tard à Bondy, au nord-est de Paris, où lui et d'autres anciens tirailleurs ont affronté une autre bataille, cette fois avec l'État français.

Il obtient finalement la nationalité française. Puis, en 2023, le gouvernement français a autorisé les Tirailleurs restants à continuer de percevoir la pension minimum sans avoir à vivre la moitié de l’année en France.

Dieme est ensuite retourné au Sénégal, où il partage son temps entre son village et la capitale Dakar, où vit l'une de ses deux épouses et la mère de plusieurs de ses enfants.

«Je suis très heureux d'être avec ma famille. [In France] J'étais confiné dans une pièce de 17 mètres carrés. Je n'ai vu personne. Dans ce village, tout le monde m’aime », dit-il avec un large sourire.

L'opportunité offerte à Dieme de porter la flamme olympique témoigne des efforts d'Aissata Seck, conseillère municipale de Bondy et présidente d'un groupe de commémoration des Tirailleurs.

« C'est un beau symbole, encore plus aujourd'hui avec la situation actuelle extrêmement difficile et la banalisation du racisme sur les réseaux sociaux. Cela montre la richesse et la diversité de la France », a-t-elle déclaré. -AFP